Le Roi Mohammed VI émerge de l’état d’hibernation diplomatique/ El Houssine Majdoubi

Le Roi Mohamed VI avec le président américain Barak Obama

Le roi du Maroc Mohammed VI  entame à partir de cette semaine une visite à un ensemble de pays africains, qui le conduira au Mali, au Ghana, au Gabon et en Côte d’Ivoire. Cette visite illustre le pari du Maroc sur la  « coopération Sud – Sud » et reflète un véritable « réveil diplomatique » du roi Mohammed VI qui a enfin compris que son abandon prolongé du champ diplomatique a eu des conséquences négatives sur ​​le Maroc dans les forums internationaux.

 En l’espace de quelques mois,  le roi est revenu en force sur la scène diplomatique. Après une tournée dans les pays du Golfe pour renforcer la position économique et politique du Maroc, il a effectué une tournée africaine et n’a pas hésité à assister à la cérémonie d’investiture du nouveau président malien Ibrahim Keita, alors qu’auparavant il n’assistait même pas aux cérémonies d’intronisation des nouveaux rois ou émirs, comme ce fut la cas en Arabie saoudite, au Qatar et aux Émirats arabes unis.

Sur un registre similaire, et après plus de dix ans d’inaction,  le roi a décidé en janvier dernier de réunir à Marrakech le Comité Jérusalem, pour essayer de redevenir un acteur politique sur la scène internationale à l’instar de son père, feu le Roi Hassan II.

Cette nouvelle orientation contraste avec les habitudes passées du roi, qui partait souvent en voyage mais uniquement à titre privé, en France, en Amérique latine et en Asie du Sud-Est, et s’absentait des instances internationales de premier plan, y compris les réunions au sommet de la Ligue arabe et les Assemblées Générales de l’Organisation des Nations Unies.

 Des  articles de presse et des chapitres de livres ont été consacrés aux voyages privés du roi, qui pouvaient parfois durer deux mois, le plus récent étant son séjour en France entre Mai et Juillet derniers, à un moment où le pays attendait le remaniement du gouvernement à la suite de la décision du Parti de l’Istiqlal de quitter la coalition gouvernementale dirigée par Abdelilah Benkirane.

 Personne ne nie le recul diplomatique du Maroc à l’échelle internationale au cours des dernières années, même s’il n’y a pas d’unanimité au sujet des évaluations et de l’explication des motifs de ce recul. Si certains font endosser la responsabilité à l’appareil diplomatique national, d’autres pensent que c’est d’abord le vide laissé par l’absence diplomatique du roi qui est à blâmer, du moment qu’il tient entre ses mains les dossiers des relations étrangères.

 Aujourd’hui, il semble que cette « hibernation diplomatique royale » a pris fin, et qu’on peut désormais parler d’un « réveil »  diplomatique du roi Mohammed VI.

En plus des voyages  récents du roi, il y a d’autres données qui accompagnent ce  « réveil» diplomatique, et qui mettent en évidence la nouvelle tendance. Le roi s’est en effet remis à recevoir les hauts responsables étrangers qui visitent le Maroc alors que jusqu’à un passé récent il évitait de le faire, le cas le plus flagrant est qu’il est resté en France lors de la visite au Maroc du Premier ministre turc Recep Tayyib Erdogan, le 5 Juin l’année dernière. Or, ces derniers temps, le roi ne se contente pas de rencontrer les chefs de gouvernement et les ministres, mais reçoit même des leaders de mouvement, comme le Mouvement national pour la libération de l’Azawad au Mali, que le roi a reçu  il y a deux semaines.

En parallèle, toujours dans le cadre de ce réveil  diplomatique, le roi mise de plus en plus sur des «ambassadeurs politiciens » qui ne viennent pas forcément du corps diplomatique  mais de son propre cercle. Ainsi, le roi a nommé à Paris un proche de lui, Chakib Benmoussa, et a nommé la semaine dernière à Madrid Fadel Beniaich, son ami d’enfance et l’un de ses principaux collaborateurs de l’ombre. D’autres profils similaires pourraient être bientôt nommés dans d’autres capitales importantes pour Maroc.

Les sources d’Alifpost affirment que le roi passe désormais à la loupe les rapports qu’il reçoit sur la situation du Maroc à l’étranger et sur ses relations diplomatiques. De même, il n’hésite pas à exiger que certains dossiers soient réexaminés, et à réclamer une plus grande précision dans l’information fournie, chose qui aurait obligé les ambassades et les renseignements militaires à reconsidérer leur façon de travailler. L’une des conséquences de ce nouveau rythme est la fréquence élevée des rencontres et des visites effectuées par le nouveau ministre des Affaires étrangères Salaheddine Mezouar.

 Il est vraisemblable que la raison de ce changement de mode diplomatique royal est la prise de conscience que le dossier du Sahara se trouve dans une phase de grande turbulence sur la scène   internationale, ce qui a poussé le roi à avouer devant le parlement, le 11 Octobre dernier : « La situation est difficile. Rien n’est encore tranché. Les manœuvres des adversaires de notre intégrité territoriale ne vont pas s’arrêter, ce qui pourrait placer notre cause devant des développements décisifs. »

 Les médias nationaux et internationaux constituent  le baromètre pour saisir cette évolution. Avant ce « réveil », une simple recherche dans les archives de ces médias pour la construction médiatique de l’image du roi Mohammed VI, mettait en relief son absence des grandes questions politiques à l’échelle internationale. Son image était associée à des infirmations pas très glorieuses comme la grâce octroyée au pédophile espagnol Galvan,  ou sa présence présumée au concert de la star britannique Jessie G pendant le Festival Mawazine, alors que le pays attendait le remaniement du gouvernement. A partir de septembre dernier, c’est une image différente que les médias reflètent, marquée par la présence du roi dans les dossiers internationaux tels que le Comité de Jérusalem, le dossier du Mali ou la visite aux États-Unis.

 L’avenir dira si ce réveil diplomatique sera permanent.

 

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