Le prince Hicham: la Turquie a refusé les compromis dans l´affaire Khashoggi et la situation en Arabie Saoudite peut conduire à une solution violente

Le prince Hicham ben Abdullah et le prince héritier Mohammed bin Salman

Le prince Hicham ben Abdullah, cousin du roi Mohammed VI du Maroc, est l’une des voix qui, dans  ses écrits et ses conférences, met en garde contre les aventures du prince héritier saoudien Mohammed bin Salman, en dépit de ses liens étroits avec la famille royale saoudienne, dans la mesure où il était proche des rois  Abdullah et Salman. Il est le seul membre des  familles royales du monde arabe à avoir écrit à la suite de disparition du journaliste saoudien  Jamal Khashoggi au consulat d’Arabie saoudite à Istanbul le 2 octobre 2018,  que cette opération était brutale et appelait les autorités saoudiennes à la traiter de manière transparente..

Dans  une interview avec le quotidien Al-Qods Al-Arabi consacré au  crime  Khashoggi et ses développements au niveau international, le prince a souligné que “le régime saoudien fait face à  une grande pression internationale qu’il n’a  jamais envisagé et qui dépasse celle exercée à propos de sa guerre au Yémen. Ce qui fait la force de ce dossier, c’est que Gamal Khashoggi résidait aux États-Unis et qu’il s’agit d’une voix réformiste défendant la liberté d’expression et adoptée par une grande institution médiatique, le Washington Post, et ensuite  la façon hideuse dont il a été tué, ce qui a poussé les élites politiques et médiatiques américaines et européennes  à exiger d’abord des éclaircissements et ensuite que les auteurs et commanditaires du crime ne bénéficient d’aucune impunité  surtout qu’il ne s’agit pas d’un crime secret dans un lieu obscur mais d’un crime qui  a été commis   au sein d’un consulat, censé être un lieu de sécurité .”

Trump et Riyad coopèrent pour tenter de sauver Mohammed bin Salman

“Oui, il y a une coopération entre l’administration Trump et l’Arabie saoudite pour tenter de sauver le prince héritier Mohammed bin Salman de sa responsabilité dans ce dossier épineux, mais ce processus est difficile car le crime (un assassinat)  est compliqué car il s’est produit  dans une représentation diplomatique et nécessitait une logistique énorme, notamment des avions et de multiples équipes, notamment l’équipe chargée d’exécuter le crime, sans oublier l’implication du  ministère des Affaires étrangères. Par conséquent, rien de tout cela ne peut se produire sans un feu vert clair de la haute hiérarchie du  pouvoir, à savoir son sommet. Par ailleurs,  les Turcs refusent de s’engager  dans la stratégie du binome Trump-Arabie Saoudite,  en organisant des  fuites systématiques d’informations pertinentes  sur le crime, ils  sapent intelligemment tout récit américano-saoudien qui dissimule ce qui s’est passé”.

A propos des autres aspects associés à ce dossier ,aux  ramifications internationales et aussi  sein de l’Arabie saoudite, principalement la famille royale, le prince Hicham, qui entretenait des relations cordiales avec cette famille :  «  il y a une grande  tension au sein de la famille  royale saoudienne parce que le prince héritier Mohamed Bin Salman a   violé toutes les lois écrites et les traditions et coutumes établies, après le siège imposé au Qatar et la mésaventure de l’hôtel  Ritz Carlton, voici le royaume en train de faire face à un crime odieux  où le corps d’un citoyen paisible et désarmé a été découpé en morceaux, ce qui est contraire aux traditions de la religion  islamique, aux traditions de la société saoudienne, et qui a provoqué un sentiment d’horreur dans le pays, et tout le monde craint un sort similaire «.

Selon le prince Hicham, une des raisons qui ont conduit à cette grave situation est que d’autres actes  terribles ont été commis et  tolérés à l’intérieur du royaume et du  Yémen sans que la  communauté internationale ne s’en émeuve malgré les pertes humaines  et les tragédies(  famine, ’épidémies et déplacement de populations), lorsqu’il a décidé le siège du Qatar, Washington  n’a pas réagi au début du  conflit et a mémé semblé verser de l’huile sur le feu, ce qui a constitué un tournant grave  dans les relations internationales. Plus tard, il a entamé l’arrestation des princes et hommes d’affaires au  Ritz-Carlton, ce qui a  été interprété comme une affaire purement interne au sein de la famille royale, mais ceux qui ont défendu cette thèse n’ont pas pris en compte la violation des règles de  droit en général et en particulier le  droit de ces citoyens à un procès équitable/ il a ensuite provoqué des crises avec la Suède, l’Allemagne et le Canada, sur fonds d’appréciations de la situation des droits de l’Homme mais toutes ces crises ont  été plutôt dépassées que traitées convenablement . En réalité ce prince héritier  Mohammad Bin Salman  croit détenir un blanc-seing de la part des Etats Unis pour prendre  seul les décisions  qu’il veut et voilà  l’aboutissement de cette situation  qui culmine avec ce  meurtre du journaliste Gamal Khashoggi.

Après avoir examiné tout cela, le prince Hicham conclut : « Sortir de cette crise sans dégât t pourrait encourager d’autres  aventures encore plus graves. Au fond il s’agit d’un problème structurel dans le processus décisionnel en Arabie saoudite et dans la mise en œuvre des décisions.

A propos du  rôle du roi Salman Ibn Abdel Aziz dans tous ces développements, le prince Hicham ajoute« Je suis sûr que le roi Salman n’était pas au courant de toutes les données de ce dossier et qu’il  n’en a pris conscience qu’après la récente visite du prince Khaled Al Faisal en  Turquie et sa rencontre avec le Président Recep Tayyip Erdogan, et qu’il a bien saisi la gravité de la situation après avoir reçu le secrétaire d’Etat Américain Mike Pompeo.

 J’écarte l’éventualité de l’existence en Arabie Saoudite d’une instance capable d’isoler ou écarter le prince Mohammad Bin Salman, sachant que même le prince Khalid Bin Talal qui  représentait  son père au sein de l’instance de l’allégeance est  détenu depuis 6 mois sur ordre de Bin Salman

En réponse à une question sur l’avenir du Prince héritier saoudien, le rince Hicham affirme : «  Personnellement j’ exclus qu’n organe ou une instance  à l’intérieur de l’Arabie Saoudite puisse s’opposer  à  Mohamed Bin Salman car  l’indépendance de la décision a été éliminée aussi bien au sein de  l’armée que dans l’appareil d’État en général alors que l’instance de l’allégeance a été neutralisée  depuis le règne du feu Roi Abdallah,  On peut citer, peut-être, pour illustrer sa fragilité  que le prince Khalid Bin Talal qui y  représentait son père Talal est maintenu en détention depuis t six mois sur ordre du prince héritier , tandis que d’autres membres de cette instance  préfèrent  le silence.

 Toujours  à propos de la famille royale saoudienne,  le prince ajoute  « les relations sociales et la confiance entre les princes  ont quasiment disparu depuis la disparition des anciens  espaces de communication. En fait le prince héritier s’est employé à détruire l’ancien  modèle des relations dans cette famille sana proposer  un modèle alternatif réaliste et viable.

Dans ce climat, le dernier mot  revient au roi  Salman lui-même, je pense qu’il va tenter de reconstituer la confiance et réduire  la tension née de cette affaire en encourageant des contre-pouvoirs et des mécanismes d’équilibre, mais il me semble que c’est déjà trop tard. N’oublions pas que la situation actuelle est elle-même le résultat de ce type d’arrangements fragiles et superficiels qui ont été adoptés par le passé

Le prince Hicham assure que les efforts  américains et saoudiens  pour  extraire le prince héritier de ce pétrin ne vont faire qu’approfondir la crise structurelle de la prise de décision car ils vont essayer de le maintenir dans sa fonction de prince héritier et consolider son autorité en raison de la gravité de cette situation. Toute tentative d’imposer un arrangement par le roi sera vouée à l’échec puisque le prince héritier va sentir qu’elle menace ses intérêts et son pouvoir.

Même si l’Arabie saoudite réussit  à  contenir la crise, le crime pèsera lourdement sur l’image du prince héritier  et sur le  pays, ce qui augmente la probabilité d’un glissement vers des solutions  violentes.

“”, D’autre part, la décision de  sacrifier des hauts fonctionnaires et des officiers aura pour conséquence que les  organes ne feront plus confiance au  prince héritier, ce qui est une question épineuse ».

Concernant l’avenir des relations américano- saoudienne, le prince, qui est aussi  un chercheur à l’université Harvard,  ajoute que les  élites dirigeantes américaines préfèrent parier sur les relations institutionnelles avec la famille Saoud sans Mohammed bin Salman, et à leur tour, les élites saoudiennes parient sur des relations avec les institutions américaines après la présidence de Trump”.

Le prince Hicham avait  publié en janvier 2018 un article dans le journal français Nouvel Observateur intitulé “L’autoritarisme dangereux de Mohammed bin Salman” où il démontrait que  “Mohammed bin Salman applique sa nouvelle politique à tous sauf à lui-même, ce qui ouvre la porte à toutes sortes d’abus, en particulier si nous ajoutons  que les changements qui se produisent ont lieu dans une atmosphère  très tendue. “

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