Le Maroc ne dépasse l’Espagne qu’en matière de salaires des dirigeants/El Houssine Majdoubi Bahida

Maroc-Espagne

Le défunt ministre marocain Mohamed Al-Arabi Al-Messari raconte dans ses mémoires  qu’en 1975, le général Francisco Franco est décédé  et ensuite  l’Espagne a entamé sa transition démocratique , et la même année, le défunt roi Hassan II a annoncé le début de la transition dite démocratique au Maroc, et l’Espagne a réalisé sa transition vers la démocratie alors que le Maroc s’est perdu sur le chemin . L’Espagne connaît actuellement  un nouveau saut politique qualitatif à notre époque, tandis que le Maroc est toujours à la recherche de la boussole pour le développement et la démocratie, un rêve qui s’avère difficile à réaliser dans les circonstances actuelles.

L’Espagne a souvent été un miroir pour les Marocains ces dernières décennies, car c’est le plus proche voisin qui fait des progrès significatifs dans divers secteurs après avoir été sous-développé, et donc il constitue le modèle idéal parmi d’autres modèles qui mérite d’être observé . Depuis 1975 et les années qui ont suivi, la classe politique marocaine suit avec beaucoup d’intérêt les développements politiques et a cru un moment  que la contagion du progrès démocratique espagnol allait toucher le Maroc, bien qu’à un niveau moins intense, compte tenu des différents contextes historiques. Mohamed Al-Arabi Al-Messari a été l’un de ceux qui ont beaucoup écrit sur le sujet, et lui a  consacré plusieurs conférences, il était  un homme politique marocain et expert sur en affaires espagnoles, et a fini par dégager  une conclusion comme beaucoup de Marocains , et qui se résume en une phrase très : “pendant que l’Espagne a réglé son horloge sur la démocratie, l’horloge marocaine s’est avérée défectueuse”.

Ainsi, l’Espagne a décidé de vivre sa transition démocratique, où le peuple a le dernier mot dans les décisions , tandis qu’une minorité au Maroc a détourné le rêve du peuple et établi la soi-disant une “exception marocaine” qui pourrait être interprétée dans divers sens, dont l’un était “la non-conformité avec la démocratie, ou l’anti-démocratie“.

Comparons  le Maroc de 1975 avec celui d’aujourd’hui , après plus de 40 ans, le revenu par habitant était quatre fois plus élevé au Maroc qu’n Espagne , et après que « l’Espagne  s’est mise sur les rails de la démocratie », elle a multiplié par 15 son revenu par habitant .  L’Espagne était menacée de sécession, et a adopté l’autonomie des régions , elle a réussi à  éviter la guerre civile et instauré  une véritable stabilité, qui a été acceptée par les nationalistes en Catalogne et au pays Basque, quoique temporairement, et le temporaire ici signifie plus de 40 ans. Ce qui manque à la démocratie espagnole, c’est le courage pour rendre les deux villes Ceuta et Melilla au Maroc.

Madrid a abandonné le slogan de l’exception Espagnole, si cher au dictateur le général Franco, et a fait le choix de devenir  un État démocratique,  économiquement et politiquement développé et  avancé.

Dans le cas du Maroc et toujours dans la perspective du parallèle historique, le conflit du Sahara a éclaté en 1975, qui est un dossier où on retrouve le concept d’autodétermination  plus que la décolonisation, et s’est transformée en une guerre féroce qui a coûté des milliers de vies, et le Maroc a continué à répéter les promesses d'”autonomie” ou de “régionalisation avancée ou  étendue” au niveau du discours , sans jamais passer à l’application concrète.

En 2011, le Mouvement du 20 février est apparu dans le sillage du Printemps arabe, et dans un contexte très différent, marqué par les révolutions des peuples, qu’ils souffrent des trébuchements de la démocratie ou ceux dont la démocratie occidentale ne répond plus à leurs revendications, et en Espagne a émergé le mouvement des jeunes du 15 mai, qui a donné un nouveau saut qualitatif à la démocratie espagnole, manifestée par la  fin de la bipolarisation partisane et le début de la phase des gouvernements de coalition, dont le premier a été constitué la semaine dernière, dirigé par le secrétaire général du Parti socialiste Pedro Sanchez, avec la participation du parti de gauche Podemos,  formé par ces  jeunes qui se sont réunis au sein du Mouvement du 15 mai. Un gouvernement de coalition, de droite comme de gauche, signifie l’intégration des jeunes dans la gestion de l’État et la prise des décisions, plutôt que de les laisser sur la touche en train de se morfondre et remettre en question la crédibilité des institutions.

De l’autre côté de la méditerranée, l’Etat marocain a démantelé le Mouvement du 20 février, l’a vidé de son contenu militant et de ses revendications en distribuant  de fausses promesses  et en recourant à la violence, privant le Maroc d’une occasion historique de progrès politique, en vue de  maintenir le statu quo politique marqué par  la corruption qui ne fait que  s’aggraver.

 Au cours de chaque décennie, l’Espagne s’éloigne de plus en plus du Maroc et le dépasse dans divers secteurs, en particulier la politique et la stabilité économique, et il n’est donc pas surprenant que de  décennie en décennie, le rêve des Marocains n’est plus de parvenir à un pays comme l’Espagne, mais d’émigrer et aller s’installer en Espagne ou  dans d’autres pays européens. En 1975, il n’y avait que 10 000 Marocains en Espagne, et aujourd’hui ce chiffre  est passé à près d’un million de Marocains dont les  immigrants et les personnes naturalisées, qui sont devenus des citoyens espagnols. Dans le même temps, ce nombre élevé cache des tragédies comme le suicide de jeunes aux bord  des plages d’Espagne pour fuir le Maroc des disparités sociales criantes et de la répression tout azimuts.

 L’Espagne a choisi de devenir un  État  aussi ordinaire que ses voisins européens, abandonnant l’idée de l’exception espagnole prônée par le dictateur  Franco, et de devenir un État démocratique,  économiquement et politiquement avancé. D’autre part, le Maroc est resté accroché à son slogan de l’exception marocaine et le régime au pouvoir a fait le choix du pouvoir personnel concentré dans une seule main et  en effet, il incarne l’exception en matière de tolérance de la corruption et de l’impunité.

Le régime incarne aussi l’exception en matière de  manque de respect des biens du peuple marocain et en matière d’entrave au progrès et au développement et en violations des droits et des libertés. L’Espagne a dépassé le Maroc dans tous les domaines, politique, culturel et économique, et le secret n’est pas la supériorité intrinsèque de l’homme espagnol, mais les contextes historiques, ainsi que d’un élément très important: la vraie démocratie, qui comprend les principe de responsabilité, de reddition des comptes  et ne tolère pas l’impunité.

Pendant ce temps, l’Etat marocain a fait un seul progrès par rapport à l’Espagne, qu’il dépasse ne matière de salaires  des dirigeants , ainsi qu’en matière  des privilèges scandaleux dont ils bénéficient , alors que le produit national brut de l’Espagne est 15 fois plus élevé que celui du  Maroc. C’est un paradoxe de l’absence de conscience nationale.

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