Ce samedi, et pendant six longues heures, la justice espagnole a interrogé la fille du roi, la princesse Cristina, à propos de son rôle supposé dans le détournement de fond dans lequel est impliquée la société qu’elle possède avec son mari, Iñaki Urdangarin, qui est également poursuivi. Cet interrogatoire de la princesse constitue un événement politique majeur et représente une victoire pour les défenseurs de l’égalité entre les citoyens.
Voici environ trois ans que la justice mène une enquête sur des opérations de détournement de fonds effectuées par la société Aizoon détenue par la princesse et son mari, à travers la récupération par cette société de sommes d’argent destinées à l’origine à des aides sociales, en passant par l’Institut Noos d’œuvres de bienfaisance. Aux yeux de la justice, il s’agit d’un crime puisque des sommes d’argent public se retrouvent utilisées à des fins privées.
Après une longue attente et un large débat sur la possibilité ou non d’interrogatoire d’une princesse, la justice a tranché la question, en se basant sur le fait que la Constitution ne prévoit aucune immunité aux princes, y compris le prince héritier Felipe de Bourbon. Cette décision a permis au tribunal de Majorque, dans les Iles Baléares, de procéder à cet interrogatoire, qui a retenu une attention médiatique exceptionnelle. Dans ce climat, la princesse Cristina a été aujourd’hui auditionnée pendant six heures.
Le juge chargé du dossier a commencé l’interrogatoire de la princesse à dix heures du matin, et l’a terminé à six heures de l’après-midi. En dehors des deux heures consacrées au repas, la princesse a dû, pendant six heures, répondre à des dizaines de questions sur son rôle dans la société accusée de détournement de fonds.
Son avocat Miquel Roca a déclaré à la presse samedi soir que la princesse a répondu à toutes les questions posées par le juge et le procureur, en leur expliquant qu’elle avait délégué la gestion de la société à son mari, qu’elle n’avait pas connaissance des opérations et qu’elle n’a bénéficié d’aucun traitement de faveur en raison de son statut de princesse. Le journal El Publico a confirmé que le juge d’instruction José Castro s’adressait à elle en disant Madame, sans citer le mot princesse.
Le passage d’une princesse devant le juge d’instruction représente un évènement exceptionnel dans la vie des Espagnols puisque c’est la première fois qu’un membre de la famille royale se trouve obligé, de s’expliquer sur des malversations financières. Les partisans de la république ont profité de l’occasion pour manifester devant le tribunal et réclamer l’instauration d’un régime républicain, alors que d’autres ont exprimé leur soutien au juge José Castro, qui a eu le courage de soumettre une princesse à l’enquête, comme tout autre citoyen, malgré les pressions qu’il a subies. De son côté, le journal El Pais écrit que les réponses de la princesse n’a pas vraiment convaincu le juge.
L’Institution royale a reconnu cette semaine le tort que cet interrogatoire cause à la monarchie aux yeux de l’opinion publique. Dans un communiqué, elle n’a pas hésité à demander que cette enquête soit achevée dès que possible, puisqu’elle s’est transformée en un ” fouet ” contre le Palais royal. La presse locale a fait état d’une étude commandée par l’institution royale à une société de sondages, qui lui aurait révélé la chute sévère de son image chez l´opinion publique espagnole.