Le dernier discours royal à l’occasion du 15eme anniversaire de la fête du trône, consacré en particulier à la richesse nationale, a provoqué une vague de réactions sur les réseaux sociaux, principalement Facebook. Ces réactions commencent à constituer un matériau historique utile pour comprendre l’attitude du public envers le roi, en relation avec diverses questions d’intérêt public et aussi avec sa vie privée. Comparé aux rois qui l’ont précédé, le Roi Mohammed VI est le souverain dont on dispose du maximum d’opinions le concernant, grâce au développement des nouvelles technologies de communication connectées à l’Internet.
Ainsi, il n’a pas assez de matière pour connaître les tendances de l’opinion publique marocaine à l’égard du Roi Hassan II, dans la mesure où les livres écrits à son sujet ne reflètent pas nécessairement ce que pense le peuple de son souverain, même si dans certains cas, elle exprime la perception d’une partie de l’opinion publique. A titre d’exemple, le livre « Notre ami le roi » de Gilles Perrault, reflète par sa critique très sévère l’attitude globale de la gauche de l’époque.
Dans le même temps, il n’est pas sérieux de se fier aux impressions qui étaient régulièrement relayées par les médias officiels, dominées par les louanges des exploits du roi, la culture de l’obséquiosité et de l’unanimisme moutonnier.
Au début de la dernière décennie, des organes de presse indépendante (Al Ayyam, Le Journal, Assahifa, Tel Quel…) avaient commencé à approcher le sujet de l’opinion publique envers le roi. A cet égard, le point d’inflexion a été atteint quand Tel Quel avait publié un sondage en bonne et due forme, mais tous les exemplaires de cette édition, en arabe et en français, avaient été immédiatement retirés des kiosques par les autorités, parce que le Palais avait estimé que le roi ne pouvait faire l’objet d’enquête d’opinion, même s’il demeure le principal acteur politique.
Plus tard, des journaux numériques comme Hespress ont mis à la disposition du chercheur un matériau fertile constitué par les commentaires des lecteurs. Certains sont très audacieux et illustrent la liberté d’expression arrachée par les militants et activistes, même si l’État n’a pas hésité à juger et emprisonner des citoyens au seul motif d’avoir publié leurs opinions sur les réseaux sociaux.
Ensuite, plusieurs facteurs se sont conjugués pour permettre un bond en avant à cet égard, grâce à l’évolution des technologies de communication et la disponibilité de programmes comme YouTube et Twitter et surtout Facebook. Peu à peu, tout discours royal génère une flopée de commentaires, des plus sobres aux plus virulents.
Ce phénomène s’est accentué avec le printemps arabo-amazigh, l’émergence du mouvement du 20 Février et la parution du livre “Le Roi prédateur” consacré à la fortune royale et l’implication de l’Institution royale dans l’économie marocaine, surtout après la traduction de l’ouvrage en arabe par un collectif de militants et sa mise en ligne. Récemment certaines pages Facebook ont été créées pour diffuser une image idyllique du roi, ce qui suppose que l’Etat est derrière ces initiatives et ce discours médiatique nouveau, puisqu’il est difficile de publier des photos du roi au public sans feu vert préalable.
Le discours du roi prononcé le 30 juillet dernier consacré à la richesse nationale a déclenché le jour même une vague de messages sur Facebook, qui s’est amplifiée les jours suivants. Des journaux numériques, dont notamment Anwalpresse, ont publié des échantillons des commentaires très critiques et moqueurs à l’égard du roi, et dont l’idée de base est la sempiternelle revendication fondamentale des militants, islamistes et gauchistes et de tous bords, et qui appelle à une séparation entre le pouvoir et les activités économiques.
Alifpost a pu constater qu’après chaque discours, initiative, décision ou visite royale, le chercheur peut disposer de dizaines de milliers de réactions, et qui permettent de pallier à l’absence de véritables sondages d’opinion sur l’action du roi, d’autant plus que Facebook permet de contourner la censure officielle.
Cette matière brute abondante a commencé à se transformer en une source importante pour les historiens, les chercheurs et les analystes politiques, leur permettant de cerner la vision des citoyens envers les décisions royales, d’autant que ces réactions ne sont soumises à aucune censure. Cette matière est également utile au gouvernement et aux partis politiques, ainsi qu’aux organes de l’État, y compris des services de renseignement qui veulent percevoir les tendances de l’opinion publique à propos de certaines questions sensibles. Ces services participent même à façonner l’opinion publique en introduisant leurs propres commentaires et messages sur les des sites numériques et les réseaux sociaux.
A l’instar de nombreux pays, les réactions exprimées sur les réseaux sociaux sont prises en considération lors des prises de décisions politiques et sociales. Ces réactions, malgré leur nature approximative et peu scientifique comme les sondages classiques, permettent néanmoins de se faire une idée de la réalité de l’opinion publique.
Un simple tour d’horizon du Facebook suffit pour voir la tendance de ce que pensent les gens, en particulier les militants politiques et des droits humains, des principaux acteurs politiques à commencer par le roi Mohammed VI, son principal conseiller Fouad Ali Himma et son secrétaire particulier Mounir Majidi, ainsi que du Chef du gouvernement Abdelilah Benkirane et d’autres personnalités publiques comme Noureddine Ayouch qui fait la promotion de l’introduction du dialecte marocain à l’école.