Au cours du mois prochain se dérouleront à Genève des négociations entre le Maroc et le Front Polisario pour tenter de trouver une solution au conflit du Sahara, mais ces négociations ne semblent pas bénéficier d’un climat d’espoir, malgré la volonté de la communauté internationale de trouver une solution à ce conflit qui dure depuis trop longtemps. Dans ce contexte le Maroc propose la formule de l’autonomie du Sahara sous la souveraineté marocaine mais la question qui se pose est la suivante : « Est ce que le Maroc a bien préparé les conditions pour convaincre les sahraouis de sa proposition ? ».
Pour l’organisation des Nations Unies, la solution juste est celle basée sur un accord juste et durable entre les parties et qui garantit au peuple sahraoui l’auto détermination, tel que c’est stipulé dans les diverses résolutions du Conseil de sécurité des Nations Unies au cours des dix dernières années. Cette formulation ; même si elle met l’accent sur l’auto- détermination, laisse la porte ouverte à toute autre formule convenues entre les deux parties au conflit sans qu’elle soit une obligation imposée par la force,.
Ainsi, ce conflit demeure le plus ancien conflit qui remonte à la période coloniale, et qui est gouverné par deux facteurs : le premier est le fait que la décolonisation de ce territoire n’a pas été effectuée lors du retrait des colonisateurs qui l’ont laissé en suspens, en particulier l’Espagne qui avait l’intention de le transformer en province espagnole, et ensuite la France qui a fabriqué la carte géographique du Maghreb arabo-amazigh et a laissé toute la région embourbée dans les problèmes des tracés des frontières . Le deuxième facteur, ou plutôt la deuxième faute, a été commise par le Maroc qui n’a pas traité avec fermeté et détermination toutes ses questions territoriales au moment de son indépendance : c’est ainsi que le dossier des villes de Ceuta et Melilla demeure posé avec l’Espagne, et risque à l’avenir de générer de la tension dans les relations entre le Maroc et ce pays. En réalité, le Maroc est l’un des rares états dan le monde qui ne possède pas une carte politique claire, en raison de la mauvaise gestion de l’héritage colonial.
La recherche de la solution se trouve dans une véritable impasse puisqu’aucune partie ne semble disposée à faire des concessions : Le front Polisario insiste sur l’organisation du référendum d’auto-détermination et le Maroc s’accroche à la formule d’autonomie alors que pendant les années 1990s il avait accepté le principe du référendum et c’est sur cette base qu’a été créée la force onusienne de la Minurso.
En l’an 2000, durant le mandat de l’ancien secrétaire général de l’Onu Kofi Annan, une initiative avait été soumise aux parties et consistait à partager le territoire sahraoui sur la base de l’accord e Madrid signé en 1975, aux termes de laquelle la moitié sud qui avait été gouvernée par la Mauritanie reviendrait au Polisario et la moitié nord reviendrait au Maroc,
Il y avait une autre initiative qui a échoué aussi, et qui avait été présentée par James Baker, envoyé personnel du Secrétaire général entre 1996 et 2004 et qui consistait à appliquer l’autonomie pendant quatre ou cinq ans et puis passer au référendum d’autodétermination.
Parmi les facteurs qui ont toujours retardé la recherche de la solution on peut citer la volonté permanente de la communauté internationale à contenir la tension au lieu de mettre la pression sur les parties pour les obliger à trouver un compromis. Ceci avait été possible jusqu’en 2007, année où le Maroc a soumis sa proposition d’autonomie et le Polisario avait proposé qu’en cas de victoire de la formule de création d’un nouvel état au référendum, il allait sauvegarder les intérêts du Maroc.
Aujourd’hui il faut miser sur le Maroc qui doit encore prendre l’initiative car c’est la partie la plus forte dans ce conflit, et c’est lui qui contrôle le territoire alors que c ont les sahraouis qui sont invité à s’intégrer au Maroc et ce n’est pas au Maroc de s’intégrer au sein du Polisario ou au sein des camps d Tindouf. Le Maroc doit pour les convaincre, envoyer des signaux politiques forts et concrets puisque, dans la littérature politique mondiale, l’autonomie avancée s’approche de la formule de la confédération.
Si le Maroc tient à gagner la confiance de la communauté internationale et des citoyens Sahraouis, il doit appliquer un agenda très réaliste qui part de la réalité interne du Maroc et non pas de l’extérieur et qui devra se traduire par les actes suivants :
-La nécessité d’un véritable respect des droits de l’homme au Maroc et de l’abandon de l’approche purement sécuritaire pour traiter les questions sociales et politiques. En effet, est-ce que les sahraouis vont revenir au Maroc alors qu’ils voient ce qui se passe au Rif où l’état a procédé à des arrestations massives (environ 800 personnes) et où une bonne partie de la population est devenue réfugiée en Europe et n’envisage pas le retour au Maroc. Plusieurs marocains ont déjà signalé les conséquences de la gestion calamiteuse des protestations du Rif sur le dossier du Sahara, mais l’Etat marocain demeure prisonnier de sa vision très étroite de la situation et n’arrive pas à percevoir la relation entre les deux situations, comme la perçoivent les citoyens marocains, les sahraouis et la communauté internationale.
-La nécessite de respecter la transparence dans la gestion des biens du pays car le Maroc une situation de prédation des différents biens publics, comme le montre le cas des lots de terrains pour villas dit : cas des lots cédés par le domaine public à un prix modique à des individus qualifiés de « serviteurs de l’Etat » sans que le parquet n’ouvre d’enquête judiciaire L’opinion publique attend toujours que l’appareil de la justice entame des investigations judiciaires au sujet des multiples dossiers de grande corruption ou de détournement de fonds allant des comptes bancaires ouverts à Panama à celui des comptes spéciaux du trésor public dont personne ne connait les vrais bénéficiaires. Chaque fois qu’un scandale éclate, l’Etat choisit le silence en attendant le prochain scandale.
-un véritable respect de la liberté d’expression afin de réduire la pression sur les médias et sur les militants de la société civile, en particulier les défenseurs des droits de l’Homme et les journalistes comme le cas de Hamid Mahdaouy qui a été condamné à la prison sur la base d’accusations surréalistes ou celui de Taoufik Bouachrine dont le procès a réuni toutes conditions d’un procès inéquitable, sans parler des mesures de répression subies par les associations civiles comme l’Association Marocaine des Droits Humains ou l’Association Freedom Now de défense de la liberté d’expression.
Lorsque le Maroc propose l’autonomie pour les Sahraouis, il s’adresse à la fois aux Sahraouis et à la communauté internationale. Un coup d’œil rapide aux classements du Maroc dans les rapports internationaux (démocratie, transparence, justice, liberté d’expression) suffit pour connaitre la situation des droits dans ce pays et saisir le degré de détérioration de son image internationale.
La logique voudrait que le Maroc s’occupe d’abord d’améliorer sa situation interne et vive une transition vers une situation où il n’y a plus de répression de la liberté d’expression et où l’approche sécuritaire soit abandonnée définitivement ainsi que l’impunité dont bénéficient les grands corrupteurs et grands corrompus parmi les responsables de l’Etat qui ne cherchent que l’enrichissement illicite.
Cette vision ne traduit pas un luxe mais c’est le minimum requis pour convaincre les sahraouis du sérieux de la formule d’autonomie sous souveraineté marocaine.