Le Maroc a rejeté la décision de l’Union africaine de nommer un envoyé spécial pour le conflit du Sahara marocain, en la personne de l’président du Mozambique, Joaquim Chissano. Ce refus tardif reflète l’absence d’une diplomatie proactive à Rabat, qui a observé en spectateur durant deux années les actions de l’Union. Dans le même temps, il est légitime de se poser des questions quant à l’efficacité de diplomatie africaine de Rabat.
L’Union africaine a officiellement approuvé lors du sommet de Malabo en Guinée équatoriale, vendredi dernier, la nomination de Joaquin Chissano comme envoyé de l’Union pour le conflit du Sahara. En réalité, la nomination vient juste formaliser une situation antérieure puisque cet envoyé est déjà actif depuis un mois.
Le Maroc a rejeté la nomination dans un communiqué mardi de cette semaine, considérant que l’Union africaine n’a pas la légitimité politique et juridique pour jouer la médiation, pour cause de partialité. Mais cette prise de position du Maroc est arrivée trop tard, suite à un long silence pendant lequel l’Organisation des Nations Unies a eu le temps d’approuver les préparatifs de l’Union africaine.
À cet égard, l’Union africaine part de l’hypothèse que le conflit du Sahara concerne le continent africain dans son ensemble, le décrivant comme “le dernier territoire qui attend la décolonisation.” Sur la base de cette thèse, il a commencé à dialoguer avec les Nations Unies, mais le plus intéressant est que l’Envoyé spécial du Secrétaire général des Nations Unies, Christopher Ross, a lui-même intégré l’Union africaine dans son processus de recherche d’une solution et la consulte en permanence.
En même temps, le Maroc a permis à une délégation de l’UA de visiter la région du Sahara, dont en particulier la ville de Laayoune, il y a plusieurs mois, sans la moindre objection. Ce faisant, le Maroc a peut-être aidé inconsciemment l’Union africaine à s’approprier un rôle important dans le dossier. De même, le Maroc n’a pas manifesté une vive opposition lorsque l’Union africaine a distribué un rapport sur le Sahara aux membres du Conseil de sécurité en décembre dernier, sachant que ce rapport est favorable au Front Polisario.
Ainsi, alors que le Maroc manifeste une colère tardive, le nouvel envoyé spécial de l’UA Joaquin Chissano ne chôme pas : il a eu des entretiens avec des responsables espagnols, français, britanniques et américains et il sera reçu à Pékin et Moscou dans les prochaines semaines.
Cette nomination soulève des questions sérieuses quant à l’efficacité de la diplomatie africaine de Rabat, surtout après la tournée africaine du roi Mohammed VI. Aucun des pays dits « amis du Maroc », comme le Mali et le Sénégal, ne s’est opposé à la proposition de l’Union africaine pour nommer un envoyé spécial pour le conflit du Sahara. C’est d’autant plus inquiétant que certains milieux diplomatiques marocains évoquaient la possibilité d’un gel de l’adhésion du Polisario à l’Union africaine.