L’Italie est devenue le premier partenaire commercial de la Tunisie au cours des sept premiers mois de cette année, remplaçant la France dans cette position. Ainsi, Paris n’est plus le premier partenaire d’aucun pays du Maghreb. Il s’agit d’un précédent et d’un tournant qui illustre l’ampleur du déclin de l’influence de la France dans la région, encore aggravé par des crises épineuses avec des pays comme le Maroc et l’Algérie.
À cet égard, l’Institut national tunisien de la statistique (gouvernemental) a souligné que l’Italie est non seulement le premier fournisseur de la Tunisie, mais aussi le premier pays partenaire avant la France, confirmant que cette situation commerciale se poursuivra jusqu’à la fin de 2022 en raison des contrats d’importation déjà signés.
La France a perdu sa position de premier partenaire commercial de l’Algérie il y a plusieurs années, en raison de la décision de l’Algérie de diversifier son économie et de se concentrer sur des pays tels que la Turquie et la Chine. Elle a également perdu sa première place au profit d’un pays européen dans le cas du Maroc, où elle a été détrônée par l’Espagne, bien que la France reste le premier investisseur au Maroc. La Mauritanie indique depuis des années qu’elle préfère l’Espagne comme partenaire commercial européen en raison de la proximité géographique des îles Canaries, tandis que la France n’a jamais été la principale partenaire du cinquième pays du Maghreb, la Libye.
Bien qu’elle ait perdu sa première place, la France figure toujours parmi les cinq premiers partenaires commerciaux de l’ensemble des pays du Maghreb, mais elle perd peu à peu cette influence. La France était la principale partenaire de ces pays depuis que les pays du Maghreb arabe ont acquis leur indépendance à la fin des années 1950 et au début des années 1960. Malgré la baisse des échanges commerciaux, la France reste le premier investisseur dans certains pays de la région, notamment au Maroc et en Tunisie, et est loin de ses concurrents directs.
Le déclin progressif de l’influence française au Maghreb est dû à trois facteurs : tout d’abord, la concurrence accrue de nouveaux pays tels que la Chine et la Turquie, qui intensifient leur présence commerciale et politique. La présence de Pékin est le résultat naturel de la puissance économique de la Chine dans le monde, tandis qu’Ankara considère le Maghreb comme une zone stratégique pour devenir une puissance régionale en Méditerranée. La concurrence à laquelle la France est confrontée provient également de pays européens tels que l’Espagne et l’Italie.
La deuxième raison est la décision des pays du Maghreb eux-mêmes de renforcer leurs relations avec d’autres partenaires commerciaux à la recherche de nouveaux investisseurs. L’Algérie est à l’avant-garde de cette stratégie lorsque le président Abdelmadjid Tebboune a annoncé la préférence de son pays pour l’Italie afin de marginaliser la France et de sanctionner l’Espagne pour sa position pro-autonomie dans le conflit du Sahara, et elle souhaite conclure des accords stratégiques avec la Chine. Pour sa part, le Maroc cherche à développer ses relations avec les pays tiers, et a annoncé cette stratégie à plusieurs reprises.
Le troisième facteur est lié aux crises qui éclatent entre Paris et les capitales du Maghreb, et qui ont un impact défavorable sur le commerce et les relations économiques en général. Dans ce contexte, l’Algérie a réduit la présence économique française l’année dernière, notamment dans la gestion de certains secteurs tels que les transports et autres services.
Lors de sa prochaine visite en Algérie les 25 et 26 août, le président français Emmanuel Macron veut surmonter la crise avec l’Algérie. Les relations entre le Maroc et la France traversent par ailleurs leur pire crise silencieuse, puisqu’aucun ministre français ne s’est rendu au Maroc depuis plus d’un an et vice-versa, ce qui constitue un précédent dans l’histoire des relations entre les deux pays au cours des dernières décennies.
Parmi les manifestations de la détérioration des relations entre la France et la région du Maghreb, Paris a présidé l’Union européenne au cours du premier semestre de cette année, et aucun sommet UE-Mghreb n’a été organisé, contrairement à sa précédente présidence régulière lorsqu’elle préparait un programme spécial pour renforcer les relations entre l’Europe et l’Afrique du Nord.
Des rapports d’experts français en relations internationales avaient conseillé les présidents successifs de l’Élysée de restructurer les relations avec l’Afrique du Nord selon un nouveau concept, mais aucun changement fondamental n’a eu lieu.
Parallèlement au Maghreb, l’influence de la France dans ses anciennes colonies d’Afrique s’est affaiblie. Paris a accusé à plusieurs reprises, la Russie et la Turquie de lancer une campagne contre les intérêts français en Afrique.
En bref, le déclin de l’influence française au Maghreb, historiquement considéré comme un solide bastion des intérêts politiques et économiques de Paris, est un signe du déclin de la position de la France dans le monde.