La revue américaine Foreign Policy a révélé dans son édition numérique le montant que le Maroc a consacré aux lobbies américains pour lustrer l’image du roi Mohammed VI et défendre la position marocaine dans le conflit du Sahara, soit un montant de 20 millions de dollars au cours des six dernières années. Si le recours des pays aux lobbies est une pratique courante, le Maroc ne semble pas disposer des bons « mécanismes d’impact » capables d’influencer l’opinion publique et la classe politique.
La presse numérique marocaine, et particulièrement celle proche des organes officiels et des renseignements, évoque de temps en temps des articles signés par des journalistes et des diplomates américains, dont l’ancien ambassadeur américain à Rabat Edouard Gabriel, et sa société Gabriel Company, alors que d’après Foreign Policy, qui a épluché les données sur le lobbying, la majorité de ces articles est rédigée contre monnaie sonnante et trébuchante. La sympathie pour le Maroc n’est donc pas gratuite.
Le recours du Maroc aux services des lobbies ne date pas d’aujourd’hui puisqu’il a été pratiqué par l’ancien ministre des Affaires étrangères, Mohamed Benaissa, qui avait une connaissance profonde des rouages qui font l’opinion publique américaine et influent les cercles de décision à Washington.
À partir de 2007, le Maroc a entamé une nouvelle phase dans les relations avec les lobbies, en leur demandant d’axer leurs messages sur deux dossiers : celui du Sahara et celui de la stabilité du Maroc y compris l’image du roi Mohammed VI. La revue affirme que le Maroc dépense en frais de lobbying plus que les autres pays arabes, dont les pays du Golfe, l’Egypte et même l’Algérie.
Une revue rapide des articles publiés par des journalistes et des diplomates lobbyistes engagés par le Maroc montre qu’ils font d’abord l’éloge du plan d’autonomie pour contrer l’idée du référendum d’autodétermination, et ensuite, depuis trois années, la promotion de l’image d’un Maroc qui serait un havre de paix au milieu d’un Printemps arabe chaotique.
Cependant, ce lobby américain pro-marocain n’a pas réussi à convaincre les grands médias tels que « The New York Times », « The Washington Post » et « Time magazine », qui n’ont jamais publié un article pour promouvoir le plan d’autonomie ou saluer la politique du roi Mohammed VI. Le seul éditorial où le Washington Post a évoqué le Maroc au cours des dernières années, a été consacré à l’affaire du journaliste Ali Anouzla, qui a été emprisonné après avoir publié un lien vers le journal espagnol El Pais, et qui comporte lui –même une vidéo attribuée à l’AQMI ( Al Qaida au Maghreb Islamique).
Concrètement, en dépit de ces sommes colossales d’argent dépensées aux États-Unis, l’image du Maroc a dégringolé en raison du dossier du Sahara, au point où la Maison Blanche a présenté l’an dernier à l’ONU proposition pour que la MINURSO surveille le respect des droits de l’homme au Sahara. Ainsi, quand le budget alloué par aux lobbies augmente, le Maroc subit les revers diplomatiques cinglants.
En plus des lobbies, l’Etat marocain a adopté une autre stratégique dont l’effet demeure très limitée, et qui consiste à créer des sites Internet en anglais qui se présentent à l’opinion publique en tant que sites américains sympathisant du Maroc, alors qu’en fait ils sont gérés par des Marocains. Ces sites ont vu le jour soudain lors de la visite du Roi Mohammed VI à Washington et ont disparu ensuite, après avoir enregistré un lectorat quotidien qui ne dépasse pas 50 lecteurs.
En réalité, la Maroc a échoué à construire des bons mécanismes d’impact pour influencer l’opinion publique et la classe politique occidentale, en comptant sur lui-même, sur le soutien des bons centre d’analyses stratégiques et les cabinets de communication. Pourquoi, à titre d’exemple, le Maroc n’a pas réussi malgré ce budget immense, à produire ou faire produire un bon film documentaire qui expose intelligemment son point de vue, alors que le film « Enfants des nuages, la dernière colonie », qui a été produit par l’acteur espagnol Javier Bardeen fait le tour des grandes capitales du monde pour soutenir le Front Polisario ? Ce lobby américain, grassement payé, n’a pas réussi à attirer une seule figure célèbre connue du public américain pour soutenir le Maroc, tandis que le Front Polisario est soutenu par la Fondation Robert Kennedy et surtout sa directrice, Kerry Kennedy, connue pour les Américains.
Historiquement, le Maroc n’a jamais réussi à bien communiquer diplomatiquement avec l’opinion publique internationale dans les dossiers sensibles tels que le conflit du Sahara. Cet échec se perpétue en ce début du XXIe siècle, où la communication diplomatique est l’un des piliers des relations internationales.