Prince Hicham: L’avenir de la démocratie dans le monde arabe dépend de la Tunisie, les populistes finissent sans peuple et se transforment en sultans

Prince Moulay Hicham

 Après que les autorités tunisiennes ont empêché le Prince Hicham Al-Alaoui d’entrer dans le pays, jeudi dernier, pour participer à un colloque organisé par Le Monde Diplomatique sur le thème « Le Maghreb arabe à l’heure du populisme », il a pu participer aujourd’hui, samedi, à distance grâce à l’application “Zoom”, et il a souligné que la situation la plus dangereuse dans le monde arabe est l’émergence de “populistes sans peuple qui deviennent des sultans“.

 Le prince Hicham souligne qu’« une nouvelle topographie politique régionale s’est cristallisée à cause de la contre-image, illustrée par trois manifestations. Premièrement, la campagne anti-printemps arabe a cherché à séparer la Palestine de la politique régionale, ouvrant ainsi la voie à ce qui allait devenir plus tard la normalisation avec Israël incarnée aujourd’hui dans les accords d’Abraham », puis, « deuxièmement, la contre-révolution a voulu  associer l’islam sunnite, incarné par les Frères musulmans, à la menace hypothétique l’expansion chiite. Elle a donc introduit un élément sectaire dans la configuration régionale. Enfin, la vague contre-révolutionnaire a répandu de nouvelles formes de surveillance transnationale avec l’espionnage numérique dans toute la région, dans le but d’intimider et de réduire au silence toutes les formes de dissidence ou d’opposition.

 La campagne anti-printemps arabe a cherché à séparer la Palestine de la politique régionale, ouvrant ainsi la voie à ce qui deviendrait plus tard la normalisation des relations  avec Israël.

Après être passé au sujet de la réaction au Printemps arabe de la part des régimes  en place par la violence, comme cela s’est produit en Égypte, ou par un semblant de consensus très  relatif basé sur la manœuvre au Maroc, et à l’absence de Printemps arabe en Algérie en raison des répercussions de la guerre civile non déclarée, bien que ce Printemps soit arrivé tard dans le sillage des manifestations au cours des trois dernières années, la Tunisie a ensuite constitué un cas spécial après le succès de la contre-révolution à saper  la révolution du jasmin. « Nous avons vu la contre-révolution émerger ici en Tunisie, sous une formule populiste qui a conduit au déclin de la démocratie. Cela représente un défi de taille, tant en termes de qualité de la menace populiste que de véracité et de trajectoire de la démocratie tunisienne. C’est le seul pays du monde arabe qui a connu une réelle percée démocratique. Cependant, il a commencé à décliner en raison du mécontentement populaire à l’égard des pratiques inappropriées des gouvernements élus successifs au cours de la dernière décennie, un mécontentement qui a maintenant culminé avec l’arrivée du pouvoir actuel. Ces frustrations ont donné un blanc-seing à des personnalités politiques populistes»

Décrivant le populisme du président Kais Saied, il a poursuivi en disant : « La menace du populisme à laquelle la Tunisie et d’autres pays sont confrontés aujourd’hui est différente. Le populisme est une idéologie qui glorifie un certain type de pouvoir. C’est la verticalité de la construction incarnée par une personnalité  particulière, elle est centrée autour de leaders charismatiques qui prétendent incarner la volonté des masses. Le populisme concentre son discours sur l’élite et adresse à  la société  des promesses de restaurer les gloires passées.

Après avoir expliqué en profondeur les schémas de populisme qui se sont déployés dans  le monde au cours de ces dernières années, que ce soit dans le monde arabe ou dans des pays comme les États-Unis avec l’ancien président Donald Trump, et présenté des modèles sur lesquels les autocrates parient comme les modèles chinois et russes, le prince Hicham confirme que le monde assiste à une bataille contre le populisme qui  exploite les institutions pour accéder au pouvoir et ne respecte pas ensuite ces institutions, estimant que le droit et la vérité sont  de leur côté. Il avertit que chaque que le populisme cherche à exploiter toute forme de vide politique, il conclut que « historiquement, le populisme suit son cours. En fin de compte, nous finissons par avoir des populistes sans le peuple. Et c’est là que réside le danger. Si les autocrates essaient de rester au pouvoir malgré la perte du soutien populaire, ils deviennent des sultans

Le prince Hicham souligne que le monde se bat pour la démocratie face à la vague de populisme, notant qu’« il y a un autre facteur plus important qui détermine l’avenir de la démocratie arabe. Ce facteur est la Tunisie et son développement politique en cours. Le moment présent est une opportunité historique. Auparavant, la Tunisie n’était pas considérée comme un pays fort qui affecterait l’équilibre entre la plupart des autres États arabes. Sa population et son économie étaient modestes, et sa diplomatie se limitait à soutenir le consensus arabe. Mais la Tunisie est aujourd’hui à l’avant-garde du monde arabe et peut faire pencher la balance vers la démocratie précisément parce qu’elle est au cœur de la bataille contre l’autoritarisme

 

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