Nous, membres d’honneur de la jeune association marocaine Freedom Now, dénonçons le refus injustifiable que les autorités marocaines opposent obstinément à la création officielle de Freedom Now (Comité de protection de la liberté de presse et d’expression au Maroc).
Après avoir tenu son assemblée générale constitutive à Rabat le 25 avril 2014, Freedom Now a constitué le dossier de déclaration d’existence prévu par la loi et a chargé un huissier de justice de le déposer auprès des autorités administratives compétentes. Le 9 mai 2014, aussi bien le bureau d’ordre que le service des associations de la Wilaya ont refusé de réceptionner le dossier et délivrer un récépissé provisoire, comme le stipule la loi.
Le 14 mai 2014, six membres du bureau exécutif de l’association ont fait le déplacement à la wilaya afin de remettre directement le même dossier. Trois cadres de la Wilaya ont réitéré le refus de réceptionner le dossier et leur ont demandé de s’adresser à la justice.
Devant cette obstination, Freedom Now a fait engager une poursuite auprès du tribunal administratif de Rabat, qui, après trois séances (le 4 juillet, le 11 juillet et le 18 juillet) a rendu son jugement le 22 juillet. Sans aller au fond de la plainte, le tribunal l’a rejetée au prétexte que Freedom Now ne dispose ni d’un jugement ayant la force de la chose jugée, ni d’un récépissé administratif de dépôt de dossier, et ne peut en conséquence se prévaloir de la capacité d’ester en justice. Ce prétexte est contraire au principe de droit selon lequel nul ne peut se prévaloir de ses propres turpitudes, puisqu’il permet à l’administration d’empêcher l’existence d’une association par son abus de pouvoir consistant à refuser de recevoir le dossier et de délivrer le récépissé. Pire, il crée un antécédent qui permettrait dorénavant à tout fonctionnaire de l’autorité territoriale d’entraver le droit à la libre association sans avoir à recourir à la justice comme le stipule la loi, ni à rendre compte de sa responsabilité si son acte relève de l’abus de pouvoir.
Beaucoup plus grave : l’avocat de l’Etat a tenté de faire avaliser le refus d’enregistrement administratif du dossier en faisant valoir l’allégation fausse selon laquelle deux membres du bureau fondateur de l’association ne jouiraient pas de leurs droits civiques – MM Rida Benotmane (Trésorier) et Ahmed Benseddik (Secrétaire Général), au prétexte que le premier a été condamné à 4 ans de prison dans le cadre de l’application de la loi anti-terroriste, et en produisant la lettre ouverte au Roi écrite par le second qui y dénonçait des actes de corruption et annonçait qu’il ne se sentait obligé par aucune allégeance au roi. Or aucun jugement les privant de leurs droits civiques n’a jamais été émis, à ce jour.
Il apparait clairement que l’autoritarisme viole ses propres lois. Bien plus, il refuse d’appliquer les dispositions d’une constitution qu’il a lui-même élaborée et fait plébisciter le 1er juillet 2011. Ainsi, cette décision de justice inacceptable fait partie d’une série d’actions entreprises au nom de l’Etat et visant à revenir sur les droits acquis, en recourant à de pratiques liberticides que l’on croyait dépassées.
Nous demandons à tous de nous soutenir, de dénoncer ces abus, et de faire pression sur le régime marocain qui veut à tout prix nous imposer des lignes rouges dignes des pires périodes de l’ère Hassan II.
Signataires :
- Abdellah Hammoudi Anthropologue, Professeur à Princeton University
- Fouad Abdelmoumni Economiste et acteur des droits humains
- Sion Assidon Homme d’affaires et acteur des droits humains
- Najib Akesbi Universitaire, expert en économie
- Mohammed Madani Universitaire, expert en droit
- Mohammed Sassi Universitaire, homme politique
- Jacob Cohen Ecrivain Franco-Marocain
- Kamal Laabidi Journaliste tunisien et acteur des droits civiques
- Abdellatif Laâbi Ecrivain et acteur associatif et politique
- Khalid Jamai Journaliste
- Omar Iharchane Responsable politique
- Karim Tazi Homme d’affaires et acteur de la société civile
- Abdou Fathi Berrada Médecin
- Gamal Eid Avocat égyptien, directeur du réseau arabe de l’information sur les droits humains
- Ahmed Assid Ecrivain et acteur de la cause Amazigh
- Abdelilah Benabdeslam Acteur pour les droits humains
- Ignacio Cembrero Journaliste espagnol
- Abdellah Harrif Ingénieur, acteur des droits civiques et homme politique
- Abdelhamid Amine Ingénieur à la retraite, acteur civique et syndicaliste
- Abderrahmane Benameur Ancien bâtonnier, acteur civique et leader politique
- Abderrahim Jamai Ancien bâtonnier
- Ahmed Bouzfour Ecrivain
- Hakima Lebbar Psychanalyste et acteur de la société civile
- Yassine Adnane Ecrivain et journaliste
- Khadija Ghamiri Ingénieur, syndicaliste
- Mohamed Elmarouani Homme politique et acteur pour les droits civiques
- Mohammed El Amine Ragala Universitaire et homme politique
- Abdelhamid Akkar Ecrivain, ancien président de l’union des écrivains du Maroc
- Ignace Dalle Ecrivain et journaliste français
- Richard Greeman Ecrivain et universitaire américain
- Rkia Elmossadeq Universitaire
- Abdellah Zaazaa Acteur de la société civile et des droits humains
Annexe : liste des membres du bureau exécutif de Freedom Now élu le 25 avril 2014
•Maati Monjib, Président (Universitaire, historien)
•Fatiha Aarour Vice-Présidente (Journaliste)
•Khadija Ryadi Secrétaire Générale (Ingénieur, Ancienne présidente de l’Association Marocaine des Droits Humains et Prix 2013 des droits de l’Homme de l’ONU)
•Ahmed Benseddik Secrétaire Général adjoint (Ingénieur de l’Ecole Centrale de Paris, chroniqueur)
•Rida Benotmane Trésorier (Juriste, journaliste)
•Rabiaa Bouzidi Trésorière adjointe (Actrice des droits humains)
•Soulaiman Raissouni Assesseur (Journaliste)
•Ahmed Bouz Assesseur (Universitaire et journaliste)
•Toufik Bouachrine Assesseur (Journaliste, directeur du quotidien Akhbar Al Youm)
•Fatima Ifriqi Assesseur (Journaliste à la Télévision, chroniqueuse)
•Mohamed Messaoudi Assesseur (Avocat)
•Mohamed Salmi Assesseur (Universitaire)
•Amina Tafnout Assesseur (Cadre informatiste et actrice des droits humains)
•Rachid Tarik Assesseur (Journaliste)
•Ali Anouzla Assesseur (Journaliste, directeur du site arabophone Lakome, prix Leaders for Democray de l’institut Project for Middle East Democracy à Washington. Sélectionné par Reporters sans frontières parmi les “100 héros de l’information” en 2014)