Le Maroc repousse la décision de transformer les villes de Ceuta et Melilla en un point de passage douanier officiel, soit parce qu’il a pris conscience de la gravité de l’erreur historique, soit parce qu’il attend les résultats des prochaines élections législatives, qui auront lieu le 23 juillet. Car cette décision est liée au soutien du gouvernement de Madrid à la position de Rabat sur le conflit du Sahara, à savoir l’autonomie.
Le lundi 12 juin, le quotidien El País a publié un article intitulé “Le Maroc entrave l’ouverture des postes douaniers de Ceuta et Melilla”, dans lequel il indique que “l’Espagne et le Maroc négocient depuis plus d’un an l’établissement de douanes commerciales à Ceuta et Melilla, mais n’ont pas réussi à se mettre d’accord sur plus de trois tests expérimentaux”. Il ajoute : “La correspondance échangée au cours des derniers mois entre les fonctionnaires des douanes des deux pays, dont le quotidien El País a pris connaissance, révèle que le calendrier convenu n’a pas été respecté, bien que le ministre espagnol des affaires étrangères, José Manuel Albarez, ait insisté à maintes reprises sur le fait que la feuille de route convenue est toujours en cours de réalisation. Les messages montrent qu’il reste beaucoup à faire et que l’ouverture est incertaine”.
Les deux pays s’étaient mis d’accord plusieurs mois auparavant pour faire de Ceuta et Melilla des passages douaniers. Les déclarations de la partie espagnole se sont multipliées, depuis la confirmation du chef du gouvernement à Madrid, Pedro Sánchez, qu’il avait demandé “au roi du Maroc, Mohamed VI, de ne pas parler de Ceuta et Melilla”, jusqu’à la déclaration du ministère de l’économie. Ces déclarations n’ont pas trouvé de réponse de la part de la diplomatie de Rabat. Cependant, certains indicateurs concluent que le Maroc a commencé à revenir sur son engagement de transformer Ceuta et Melilla en deux centres douaniers, comme suit :
Tout d’abord, en attendant les résultats des élections législatives espagnoles du 23 du mois prochain, il semble que la conversion des deux villes en postes de douane avec le reste du Maroc est liée au soutien permanent de l’Espagne à l’autonomie dans le conflit du Sahara. Selon les sondages d’opinion, la droite conservatrice le Parti Populaire PP a de fortes chances de remporter ces élections, surtout après avoir gagné les élections municipales du mois dernier. Le Parti Populaire a annoncé son intention de revoir la position du gouvernement socialiste sur le Sahara, en se limitant à appuyer les efforts de l’ONU.
Deuxièmement, le Maroc a peut-être compris qu’il commettrait une erreur historique similaire à celle commise par le sultan Muhammad IV lorsqu’il a signé l'”accord d’Ouedras” le 26 avril 1860, en vertu duquel l’Espagne se trouvait privilégiée sur le plan commercial grâce à l’établissement d’un poste de douane à Melilla. Cette mesure était due à la défaite du Maroc dans la guerre de Tétouan au cours de la même année. L’un des indicateurs de cette prise de conscience est peut-être la protestation de Rabat, il y a quinze jours, contre les déclarations du vice-président de la Commission européenne, Margaritis Schinas, qui considérait Ceuta et Melilla comme des territoires espagnols.
Le gouvernement et les partis représentés au parlement marocain ne parlent plus de Ceuta et Melilla, bien qu’ils aient annoncé en 2007 la défense de ce dossier au niveau international, et ce à l’occasion de la visite de l’ancien roi d’Espagne, Juan Carlos, dans les deux villes, rompant ainsi une tradition secrète entretenue avec Rabat de ne pas les visiter. Le problème de Ceuta et Melilla n’est évoqué que dans certains médias et par quelques activistes sur YouTube au Maroc. Récemment, le Parti La Voie Démocratique ( Anahj Democratie) et l’Association marocaine des droits de l’homme AMDH ont annoncé une initiative visant à soumettre une demande aux Nations unies pour discuter de cette question.