Le Maroc prendra part ce lundi au défilé traditionnel du 14 juillet à Paris, à l’occasion de la fête nationale française, en dépit de la crise actuelle entre les deux pays. Ce défilé verra la participation d’un certain nombre de pays qui étaient des colonies de la France, dont la majorité connaît un débat sur la question, comme on l’a vu en Algérie, en Tunisie et au Sénégal. Au Maroc, les historiens, les intellectuels et les partis politiques brillent par leur silence.
Cette année, la France a consacré la fête nationale au centenaire du déclenchement de la Première Guerre mondiale ou la «Grande Guerre» selon les livres d’histoire. Des dizaines de pays sont concernés par cet anniversaire, y compris les pays occidentaux, l’Amérique latine, et principalement les pays de « l’ancien colonial français.»
D’après le site du ministère français de la Défense, le Maroc va participer à ce défilé. L’Etat marocain garde le silence et n’a pas annoncé si le Maroc va participer ou non, au moment où les relations bilatérales entre Paris et Rabat sont en crise, principalement en raison de la décision de la justice française de convoquer le chef des services secrets civils Abdellatif Hammouchi, pour son implication présumée dans la torture de personnes ayant la double nationalité franco-marocaine. Le Maroc a déjà participé à ce défilé à l’époque où les relations n’étaient pas en crise, en particulier le 14 Juillet 1999 lorsque le Roi Hassan II y avait assisté, une semaine avant sa mort.
Des pays du Maghreb et d’Afrique connaissent un débat sur la pertinence de la participation de leurs soldats à ce défilé au cœur de Paris. En Algérie, le gouvernement justifie la participation alors que certaines associations représentant le Mouvement national et les moudjahidine y voient une sorte de trahison, et rappellent que la participation des Algériens dans la Première Guerre mondiale, pour défendre la France, était forcée et non pas volontaire.
Au Maroc ce débat est tout simplement absent chez les milieux politiques et intellectuels. Le Pouvoir monopolise le sujet, avec un discours unique qui évoque « la contribution du Maroc dans le soutien de la France face à l’Allemagne » et passe sous silence le rôle de l’institution royale, incarnée à l’époque par le Sultan Youssef, qui a impliqué des Marocains dans une guerre qui n’était pas la leur. Quant aux partis politiques, soient ils gardent le silence, soient ils ânonnent le discours officiel comme d’habitude.
Les historiens s’intéressent en général aux aspects techniques de la participation du Maroc (sa nature, les méthodes de recrutement, les régiments qui ont accueilli des soldats marocains) sans analyser les raisons qui ont poussé le Maroc à soutenir un pays qui le colonisait, ni remettre en question le discours officiel qui parle de la « défense des valeurs de la liberté en France ». Or, ce sont ces mêmes valeurs que la même France a combattu au Maroc juste après la guerre, en écrasant les mouvements de résistance dans la région de l’Atlas et en faisant la guerre ensuite dans le Rif à Mohamed Ben Abdelkrim Khattabi.