De nombreux pays ont salué le rapprochement entre l’Arabie saoudite et l’Iran, y compris ceux qui ont souffert de l’ingérence iranienne dans leurs affaires, à commencer par tous les pays du Golfe, en plus de l’ Égypte, l’ Irak, le Liban, la Jordanie, la Syrie, la Tunisie, la Algérie, le Soudan, la Mauritanie et même les USA, malgré leur inquiétude quant à la conclusion d’un accord en dehors de leur tutelle, l’ont salué et y ont vu une occasion de réduire les tensions dans la région, surtout s’il conduit à l’arrêt de la guerre au Yémen, qui menace la sécurité et la stabilité de leur allié traditionnel, l’Arabie saoudite.
L’Union européenne a réagi de la même manière, espérant que ce rapprochement contribuerait à la stabilité de la région et à la réduire les tensions. La plupart de ces pays ont vu le rapprochement saoudo-iranien grâce à la médiation de la Chine comme une opportunité pour un nouveau départ dans les relations sécuritaires, politiques et économiques des deux parties, et y ont attaché une grande importance en raison du poids des deux pays dans leur environnement régional et au niveau international, de leurs relations qui se chevauchent avec les grandes puissances mondiales et de l’impact de ces relations sur de nombreuses questions et problèmes mondiaux majeurs.
Un seul pays a ouvertement exprimé sa critique de cet accord, c’est Israël, qui a œuvré ces dernières années à attiser les différences entre les Arabes et l’Iran et à vouloir déclencher une guerre entre les deux parties et où les pays arabes entourant l’Iran s battraient pour le compte d’Israel par procuration. Mais un seul pays arabe est resté silencieux sur cet accord, le Maroc, qui jusqu’au moment de la rédaction du présent article n’a pas réagi à un accord qui a été salué par les pays de la région et par les grandes puissances mondiales. La poursuite de ce silence soulève de nombreuses questions sur le positionnement futur du Maroc, alors qu’il se retrouvera seul du côté d’Israël, hostile au régime iranien, en l’accusant de nombreuses tares qui nécessitent des preuves et des arguments sérieux pour en convaincre le monde. S’agit-il d’un changement majeur dans les relations stratégiques du Maroc, après que Rabat a mis tous ses œufs dans le panier israélien et entre les mains du lobby sioniste en Amérique, ce qui explique, dans une certaine mesure, l’escalade de Rabat dans sa crise, qui n’est plus silencieuse avec son allié traditionnel et historique la France ? Quelles sont les implications attendues d’un tel changement pour les futures alliances du Maroc ?
Quels gains potentiels le Maroc peut-il tirer de tels choix stratégiques dans un contexte international de transformations profondes et majeures ?
Au regard de la rareté de l’information et des réticences traditionnelles qui caractérisent les déclarations des responsables marocains, en l’occurrence elles n’existent pas du tout, il est difficile de lire les orientations de la diplomatie marocaine à l’heure où la région et le monde assistent à une tendance vers de multiples partenariats stratégiques dans les relations internationales. Cela est confirmé par le rapprochement saoudo-iranien, et avant lui le rapprochement saoudo-turc et émirati-turc, la réconciliation des états du Golfe avec l’État du Qatar, la normalisation des relations égypto-turques et l’ouverture arabe au régime de Bachar al-Assad en Syrie, et en même temps, l’aspiration à se positionner dans un monde en mutation dans une situation internationale délicate qui connaît des crises sans précédent depuis la fin de la guerre froide, représentée par la guerre russe contre l’ Occident en terrain Ukrainien et ses répercussions dévastatrices sur l’économie mondiale, ainsi que son rôle croissant dans l’accélération de la naissance d’un monde multipolaire, permettent aux puissances internationales montantes et aux alliances régionales de jouer des rôles qui influencent la formulation de grandes stratégies qui gouverneront le monde de demain.
L’accord saoudo-iranien est le symbole d’une transformation majeure dont la région sera le théâtre, qui va modifier profondément les politiques d’alignement qu’Israël et l’Amérique ont essayé de construire pendant des années, pour isoler l’Iran en exagérant son danger dans la région. Le Maroc, avec plusieurs pays arabes, s’est engagé dans cet alignement et a rompu ses relations avec l’Iran en raison de ses « politiques interventionnistes dans la région », comme l’ont fait la majorité des pays arabes, y compris ceux qui sont géographiquement éloignés de l’Iran, lorsqu’ils ont rompu leurs relations avec Téhéran, en soutien ou en solidarité avec l’Arabie saoudite et les États du Golfe. Depuis sept ans, la politique d’isolement de l’Iran dans son environnement régional n’a pas atteint son objectif, et l’accord irano-saoudien, et avant lui le rapprochement irano-émirati, est une preuve de l’échec de cette politique, après que les pays qui menaient la confrontation avec Téhéran ont choisi la voie du règlement politique au lieu de la confrontation militaire et de l’escalade diplomatique et médiatique. Paradoxalement, c’est Israël qui se trouve aujourd’hui presque un paria mondial, en raison des agissements et des déclarations racistes de son gouvernement extrémiste, isolé régionalement sauf de la part des régimes arabes qui se sont transformés en agences de médiation entre lui et la résistance de l’héroïque peuple palestinien.
L’Iran, malgré ses problèmes internes, est un pays qui semble plus sérieux dans ses relations avec ses voisins arabes.
Par conséquent, il est dans l’intérêt de la diplomatie marocaine de reconsidérer les approches de construction de ses alliances régionales, et de pas ignorer les transformations majeures en cours dans la région qui ouvrent la voie à la naissance d’un nouvel ordre mondial multipolaire qui a commencé à émerger, et où la plupart des pays cherchent à réserver leurs places avant le départ de son train, qui a déjà commencé à se mouvoir. Qu’est-ce qui empêche Rabat aujourd’hui de chercher à tourner la page de ses divergences avec Téhéran, au lieu de se précipiter pour renforcer ses relations avec Tel-Aviv, auquel on ne peut jamais faire confiance, au détriment de sa position et son poids traditionnel dans son environnement régional d’État équilibré dans ses relations internationales, et dans la région arabe en particulier ? Si l’Arabie saoudite, qui a souffert sécuritairement, militairement, politiquement et idéologiquement de l’ingérence iranienne dans ses affaires et à sa frontière sud, a surmonté toutes ses divergences avec Téhéran et conclu un accord de réconciliation avec lui, qu’est-ce qui empêche Rabat de chercher à ouvrir une nouvelle page avec Téhéran, page qui préserve ses intérêts et garantisse son indépendance vis-à-vis de tous les pôles qui veulent transformer des pays entiers en carburant dans leur guerre idéologique avec le régime de Téhéran ?
Il convient de noter que Téhéran, malgré toutes les accusations portées contre elle par les responsables marocains et les médias d’État marocains, n’a répondu à aucune d’entre elles et a maintenu un minimum de volonté de dialogue dans ses relations avec Rabat. Aujourd’hui, la balle est dans le camp de la diplomatie marocaine et, grâce à l’amitié traditionnelle entre Rabat et Riyad, cette dernière est devenue un canal de dialogue fiable qui peut l’inciter à chercher à minimiser ses différends avec Téhéran, au lieu de procéder à une escalade diplomatique et médiatique stérile qui a une incidence négative sur les relations régionales du Maroc et dans son environnement arabe. La confiance aveugle dans Israël et la précipitation excessive pour normaliser avec lui ne feront que compliquer et approfondir les problèmes régionaux et internes du Maroc.