Le Maroc aspire à adopter un nouveau modèle de développement, qui n principe nécessite un grand débat national politique et scientifique, mais il s’accompagne de conditions qui ont fait que ce débat est totalement absent de la vie publique nationale.
Cela se produit malgré le besoin urgent du pays d’un véritable modèle qui ferait sortir le Maroc de la cent-vingtième place dans le classement mondial du développement humain, selon les Nations Unies, ce qui n’honore ni son histoire ni les capacités de son peuple. Le Maroc a adopté le premier modèle de développement, appelé « Initiative humaine », et il s’est terminé avec de faibles résultats, comme en témoigne le roi Mohammed VI lui-même dans un discours prononcé le 13 octobre 2017 lors de l’ouverture de la nouvelle session législative , et malgré la reconnaissance par le roi de l’échec du premier modèle de développement, l’État n’a élaboré aucune étude pour identifier les raisons de l’échec alors que le processus de diagnostic n’est pas difficile, mais la majorité des institutions étatiques ont élevé le modèle de développement au rang de la chose sacrée et le sacré est toujours difficile à discuter.
Avant le début de la pandémie, un nouveau modèle de développement a été annoncé, et quatre années se sont écoulées sans que l’on ne connaisse la vraie base cognitive et procédurale de ce modèle. Cette fois, le comité de rédaction a impliqué différents acteurs, à l’exception de certains, comme s’il s’agissait d’une constante de vie politique au Maroc. La pandémie de Covid-19 a entravé le débat sur le modèle de développement, et la guerre russo-ukrainienne a exacerbé la situation au Maroc, comme dans d’autres pays, où la préoccupation est devenue la recherche de la stabilité sociale, à la lumière des prix élevés et de l’inflation historique que l’humanité n’a connu que durant les guerres mondiales. Tout modèle de développement repose sur des leviers et sur des fondements indispensables : la primauté de la vraie connaissance au détriment de l’obséquiosité, l’instauration d’un climat de liberté d’expression, et enfin l’intégration des différentes sensibilités politiques. L’une des raisons du retard du Maroc est la prédominance de la soumission intellectuelle sur les connaissances réelles, qui peuvent être choquantes, puis la transformation de la corruption en donnée structurelle. Le véritable développement découle de l’éradication de cette maladie dangereuse, dans le sens de la nécessité d’un diagnostic réel des réalités sociales, économiques, cognitives et politiques, dans le but de présenter un modèle basé sur des bases solides.
Il n’est ni surprenant ni fortuit que la plupart des pays avancés sur l’échelle du développement humain soient ceux qui ont des universités qui produisent des connaissances solides, et ceux qui ont des universités qui jouent le rôle qui leur est assigné dans le progrès de la société. Avant le discours du roi du 13 octobre 2017, dans lequel il a reconnu l’échec du modèle de développement, est-ce qu’une seule université marocaine a encadré et produit une recherche académique indiquant l’échec de l’initiative de développement ? La réponse est non, parce que les doyens d’université n’ont pas le courage d’autoriser des recherches de ce genre, et la victime est la nation. La liberté d’expression demeure un pilier fondamental, car les médias sont l’organe de contrôle moral, la liberté de la recherche scientifique est la boussole et la liberté de la recherche scientifique fait émerger des compétences de gestion et d’encadrement.
Aucune initiative de développement ne peut réussir dans des circonstances apparemment inhabituelles, en raison des dysfonctionnements de la scène politique. Le premier est la fragilité des partis politiques, qui ont perdu en même temps leur initiative, leur popularité et leur crédibilité, à quelques exceptions près, ce qui a fait baisser la participation électorale d’une élection à l’autre d’une part, et a fait que les citoyens ne se soucient pas d’adhérer à ces partis. Le second défaut est structurel et se manifeste dans l’incapacité à intégrer les différents acteurs politiques dans l’action politique institutionnelle, quelles que soient leurs positions.
Malgré la différence, l’expérience espagnole géographiquement et émotionnellement proche du Maroc est un exemple intéressant à examiner. L’action politique espagnole a réussi à accommoder les nationalistes régionaux tels que les partis basque et catalan, les gauchistes radicaux tels que Podemos et les extrémistes nationalistes de droite tels que le parti VOX, le Parlement est une mosaïque de partis monarchiques, républicains et nationalistes régionaux, se réunissant et opérant sous le toit d’une constitution capable de s’adapter aux différences et aux défis. L’assimilation par le parlement marocain de la mosaïque politique de ce pays dans un cadre transparent et responsable est une condition nécessaire au succès de tout modèle de développement, et l’intégration de cette mosaïque politique sera un prélude à la résolution de la question du Sahara, surtout que le Maroc propose l’autonomie pour une solution à ce conflit.
À cet égard, le Maroc connaît des questions en suspens en matière de droits de l’homme dont les répercussions s’étendent à l’étranger, il s’agit surtout des journalistes, des militants du Rif et d’autres, tous emprisonnés. Nous ne pensons pas qu’un pays comme le Maroc ait vécu des expériences telles que l’amnistie générale dans les années quatre-vingt-dix sous le règne du défunt roi Hassan II, et la réinsertion dans la vie publique des personnes jugées pour terrorisme, et un État qui a permis le retour de certains dirigeants du Polisario, malgré leur implication dans des crimes contre l’humanité contre des soldats marocains, et leur a même donné des postes de responsabilité, aura du mal à concevoir des formules et des solutions juridiquement et politiquement acceptables et équitables qui satisfont au moins la majorité.
Le Maroc est un vieux pays situé à la périphérie de l’Union européenne, ce qui signifie qu’au cours des derniers siècles il a côtoyé la renaissance européenne, la renaissance scientifique et la renaissance industrielle, et la naissance de la démocratie, mais sa position dans le classement du développement humain est 123 à l’heure actuelle. Cela veut dire que son élite avec ses diverses composantes politiques, intellectuelles et économiques occupe la 123e place mondiale. Il est inconcevable que l’Espagne, notre voisin du nord, ait cent places d’avance sur nous dans le classement mondial du développement humain, alors que la différence entre les deux pays n’était pas grande jusqu’au milieu des années soixante-dix, à l’heure où les nations, essentiellement Historiques comme la Turquie, se développent. Un soulèvement est nécessaire au Maroc sous la forme d’un modèle de développement qui transcende les erreurs passées, et le critère ne doit plus reposer sur les slogans vagues, mais sur le pourcentage de nouveaux emplois créés, la réduction de l’analphabétisme et les progrès dans la gouvernance transparente, un modèle qui résout les questions des droits de l’Homme et les problèmes politiques en suspens, éloigne le domine scientifique de la culture de la flatterie et établit une mosaïque politique et médiatique qui garantisse la diversité dans le cadre de la transparence et de la responsabilité.
Lorsque nous regardons l’histoire du Maroc avec les yeux de la génération actuelle, nous regrettons que le Maroc ait manqué de grandes opportunités de progrès, par exemple, mais pas exclusivement, le rendez-vous manqué avec l’imprimerie au cours des siècles passés, et comment le mouvement national et le palais sont tombés dans le piège de la confrontation après l’indépendance au cours des années cinquante, le Maroc a manqué l’occasion d’une véritable renaissance. Sans aucun doute, les générations futures diront comment, dans les premières décennies du 21ème siècle, le peuple marocain a été victime de divergences qui n’auraient pas eu lieu si la transparence avait été adoptée dans tout le respect des droits, la lutte contre la corruption, l’établissement du principe de responsabilité et la création d’une véritable mosaïque politique dans le pays.