Le juge Anbar : je suis victime du ministre de la justice et le directeur de la DST

Le juge Mohamed Anbar, président de chambre à la Cour de Cassation et vice-président du Club des magistrats du Maroc n’y va pas par quatre chemins.

Lors d’une conférence de presse, organisé le 24 septembre 2014 au siège de l’AMDH à Rabat, le juge a accusé directement l’organe sécuritaire DST, d’être derrière la tentative du Ministère de la justice de le démettre de sa fonction, et ensuite son enlèvement devant le siège de la Cour de Cassation le 10 septembre et sa séquestration toute la journée chez la police. Le juge considère aussi que le gouvernement, les ministères de l’intérieur et de la justice, le président de la Cour de Cassation et le président de la Cour d’Appel de Rabat de complicité dans ces agissements.

Pour lui, la raison profonde de la volonté de l’écarter est sa participation le 6 mai dernier, sur invitation du magistrat de liaison à l’ambassade de France à Rabat á un atelier, consacré à la réforme de la justice marocaine et pendant lequel a été débattue la décision de suspension des conventions de coopération judiciaire entre le Maroc et la France prise suite à la plainte déposée en France pour exercice de la torture contre le chef des renseignements marocains.  A l’époque, le juge avait exposé à la presse son point de vue sur les conséquences de cette suspension, entre autres, sur les demandes des détenus français désirant passer en France le restant de leurs peines dans les prisons marocaines.

Le juge estime qu’il est toujours à son poste de président de chambre à la Cour de Cassation dans la mesure où la mesure disciplinaire dont il a fait l’objet comporte plusieurs vices et a été bâtie sur des rapports sécuritaires.

Ainsi, il a expliqué que la décision de la justice française de convoquer comme témoin le directeur de la DST marocaine appuie les revendications du Club des magistrats du Maroc, qui veut en finir avec l’impunité et respecter le principe constitutionnel de la reddition des comptes. Cependant, la décision du Maroc de suspendre la coopération avec la France vise maintenir l’impunité pour les responsables sécuritaires. En agissant de la sorte, le gouvernement Marocain a violé la Constitution, selon lui.

Le juge a déclaré que le roi a refusé à deux reprises de signer le dahir qui le relève de sa fonction, soumis par le ministre de la justice. Par la suite, le ministre a choisi un autre stratagème pour contourner le refus royal. Après avoir rappelé qu’au Maroc le roi est le garant de l’indépendance de la justice, il a déclaré que le garant est Allah.

Le juge a tenu à souligner que ses revendications d’adressent à l’Etat, représenté par le roi, Commandeur des Croyants, et non pas au gouvernement. Il demande à l’Etat à assumer ses responsabilités en diligentant une enquête transparente et impartiale sur cette affaire, et d’en publier les résultats, afin que chaque protagoniste assume ses responsabilités.

Texte Intégral de la Déclaration du juge Mohamed Anbar à la Presse

Au nom de Dieu le miséricordieux,

Rabat, le 24 septembre 2014

 Conférence de presse de Mohamed Anbar, président d’une chambre à la Cour de cassation et  Vice-président du Club des magistrats du Maroc suite à la violation de sa liberté individuelle, à sa détention arbitraire, son enlèvement du devant du siège de son travail à la Cour de cassation, l’atteinte à son indépendance en tant que magistrat et la torture psychique de tous les membres de sa famille

Déclaration de presse

Mesdames, messieurs les représentant(e)s de la presse et des moyens de communication,

Mesdames, messieurs les représentant(e)s du corps diplomatique,

Les ami(e)s représentant les organismes des droits humains, syndicaux et associatifs présent(e)s.

En mon nom personnel, au nom de l’Association professionnelle du Club des magistrats du Maroc et de la Coordination des juges de la Cour de cassation, j’ai l’honneur, tout d’abord, de remercier l’Association Marocaine des Droits Humains qui m’a ouvert son siège pour la tenue de cette conférence et qui m’a aidé et m’a soutenu dans toutes les procédures pour assurer son succès ; je vous souhaite la bienvenue et vous remercie pour avoir répondu à cette invitation qui a trait à ce que j’ai subi le matin du mercredi 10 septembre 2014 en l’occurrence la violation de ma dignité et de mon indépendance en tant que magistrat à une cour suprême (Président d’une chambre à la Cour de cassation au Royaume du Maroc et la détention arbitraire de la part de l’autorité exécutive représentée par le ministère de l’Intérieur et du ministère de la Justice.

J’ai été écarté du tribunal de la part de six agents de la police et deux gardiens des prisons qui m’ont soulevé par mes quatre membres pour me jeter dans la voiture de la police et me conduire, vers dix heures du matin, au sixième arrondissement au quartier Riad ; ils m’ont privé de tout contact avec le monde extérieur. A treize heures environ, j’ai été conduit à la préfecture de la police judiciaire sans me parler de quoi que ce soit. Après mon accès au bureau du chef de la police judiciaire, évidemment en état de détention, en présence du chef de l’arrondissement du quartier Riad, le chef de la police judiciaire m’a demandé si j’avais une déclaration à lui faire sur ce qui est arrivé ; j’ai refusé toute déclaration tout en lui rappelant les dispositions de l’article 264 du Code de procédure pénale.

J’ai été conduit dans un bureau de l’un des commissaires de police et se sont relayés à ma garde plusieurs éléments. Je ne pouvais satisfaire mes besoins naturels qu’en leur présence. Mes demandes incessantes pour me permettre de contacter ma famille étaient vaines. Vers dix-sept heures, le chef de la police judiciaire m’a demandé si j’avais une déclaration à lui faire sur ce qui est arrivé ; j’ai refusé une autre fois. Vers vingt heures, j’ai été conduit à la Cour d’appel à Rabat sans considération de mon immunité judiciaire pour que je sois surpris du fait que le procureur général du Roi voulait, une fois que nous entamons la discussion, me remettre une décision que j’ai refusé dès la lecture de son adresse (du Ministre de la Justice à monsieur Mohamed Anbar magistrat de grade exceptionnel chargé de la mission de Procureur général-adjoint du Roi …) puisqu’elle ne me concerne pas pour le seul motif que je suis Président d’une chambre à la Cour de cassation et je n’ai jamais été attaché ou que j’ai travaillé au parquet général près la Cour d’appel de Rabat. J’ai refusé de lui déclarer quoi que ce soit sur l’incident conformément au texte de l’article 264 du Code de procédure pénale et puisque les mesures touchant à mes libertés que j’exerce sont du ressort des articles 225 et suivant du Code pénal (tout magistrat, tout fonctionnaire public, tout agent ou préposé de l’autorité ou de la force publique qui ordonne ou fait quelque acte arbitraire, attentatoire soit à la liberté individuelle, soit aux droits civiques d’un ou plusieurs citoyens …). J’ai été relaxé, en présence de trois honnêtes avocats des corps des avocats de Kénitra et de Rabat, à neuf heures et demie et j’ai été accueilli par une grande réception organisée les magistrats membres du Club, le Secrétaire général du syndicat national des notaires et les membres de ma famille.

  • L’incident signale plusieurs données négatives et des violations en matière des droits humains en général :
  1. Aucune garantie juridique des magistrats n’est prise en considération et particulièrement l’article 264 du Code de procédure pénale ce qui fait que la réalité des consignes commande leurs droits et libertés au sens large et sans aucun référentiel légitime.
  2. Le manque de tout contrôle public de la détention chez la police et l’arbitraire est suivi par la dissimulation de l’information aux moyens de l’information et la rupture de la communication avec le monde extérieur dans une atmosphère où prédominent le secret et la discrétion et qui est imposée aux fonctionnaires faisant partie de l’administration policière pour que la réalité des consignes se réserve un large espace d’arbitraire.
  3. La couverture ou le camouflage de l’origine de la réalité des consignes par la confusion et l’ambiguïté pour que la détermination de la responsabilité de la partie motrice principale de la détention soit difficile ou impossible et ce évidemment par la contribution des magistrats du parquet afin que l’on ne puisse pas identifier la partie émettant les consignes ; est-ce les magistrats ou la police ?
  4. L’absence de tout mécanisme de contrôle de ces faits donne à leurs auteurs un large espace d’arbitraire et afin qu’ils aient une protection pour ne pas répondre de leurs actes.
  5. Mon incapacité en tant que juge d’instruction d’imposer le respect de la loi et mon exposition à l’humiliation font que je suis aux yeux de la société incapable de protéger ses droits et ses libertés ; c’est donc la destruction de l’indépendance de l’autorité judiciaire et l’effondrement de l’un de ses plus importants piliers ce qui la rend faible et injuste.
  • Les raisons indirectes responsables de cet incident :

 Depuis la promulgation de la Constitution du 1er juillet 2011, j’ai participé à la création de l’association du Club des magistrats du Maroc qui est une association qui a participé à démasquer l’ancienne garde dans la Justice qui bénéficie de la rente judiciaire.

  1. Le fait de veiller à déposer une plainte contre l’ex-ministre de l’Intérieur à cause de l’abus de pouvoir et la violation des dispositions de l’article 111 de la Constitution qui donne aux magistrats le droit de créer des associations professionnelles.
  2. L’organisation de protestations et de sit-in par les magistrats du Club pour la première fois dans l’Histoire du Maroc en toges devant la Cour de cassation et devant le ministère de la Justice.
  3. La participation sérieuse et efficace dans le débat sur l’indépendance du parquet général non seulement vis-à-vis du membre du Gouvernement chargé de la Justice mais plutôt vis-à-vis de tout le pouvoir exécutif.
  4. L’opposition aux deux projets catastrophiques se rapportant aux deux lois organiques de l’autorité judiciaire et l’organisation d’un sit-in qui devait se tenir devant le ministère de la Justice et qui a été interdit par l’administration de l’Intérieur.
  5. La distribution d’un imprimé, élaboré par la Coordination de la Cour de cassation du Club des magistrats du Maroc, renfermant le projet de la loi organique de l’autorité judiciaire, à tous les tribunaux, les établissements législatifs et ministériels et aux associations des droits humains et civiles.
  • La cause directe de cet incident

Mon invitation par le magistrat de liaison français à un atelier sur (la réforme de la Justice au Royaume du Maroc) le 06 mai 2014 où a été débattu la décision de suspension des conventions de coopération judiciaire entre le Maroc et la France prise suite à la plainte déposée pour exercice de la torture contre le chef des renseignements marocains et que je me suis adressé à la presse pour donner des éclaircissements sur l’impact de la suspension de ces conventions  sur les demandes des détenus français désirant passer en France le restant de leurs peines dans les prisons marocaines et sur la renonciation de la Justice marocaine aux extraditions demandées en dépit de leur acceptation par la Cour de cassation française.

Cette régression que connaissent les droits humains et le non respect de la loi par ceux qui en sont chargés se rapportent au fait qu’étant magistrat à la Cour de cassation, je suis devenu incapable de protéger ma liberté et mes droits individuels et d’autant plus je ne peux plus protéger les droits des citoyens ; Ainsi, les appareils de renseignements ont porté une atteinte grave à mon indépendance et ce dans une période où nous aspirons planter les jalons de l’autorité judiciaire et de son indépendance vis-à-vis des autres pouvoirs et particulièrement du pouvoir exécutif.

Pour ceci, représenté par le Gouvernement marocain, le ministère de l’Intérieur, le ministère de la Justice, le premier président de la Cour de cassation, le Procureur général du Roi près cette Cour et le Procureur général du Roi près la Cour d’appel de Rabat, l’Etat marocain assume la responsabilité de ce qui est arrivé.

  • Les revendications :

üJe revendique que l’Etat marocain assume sa responsabilité dans la protection de ma personne et de mon indépendance en tant que magistrat à la Cour de cassation et qu’il ouvre une enquête honnête et transparente sur cet incident et de découler la responsabilité à l’encontre de quiconque s’avère responsable de ce crime.

üL’annonce des résultats de l’enquête à l’opinion publique nationale et internationale pour la réhabilitation et le prestige de l’autorité judiciaire dans la mentalité du citoyen marocain.

En conclusion, je renouvelle mes remerciements à l’Association Marocaine des Droits Humains pour sa solidarité et son soutien à mon affaire et je renouvelle de même mes remerciements à tous les présents et que le débat qui sera ouvert donnera plus de précisions sur plusieurs faits et  que la paix soit sur ​​vous et la miséricorde et les bénédictions de Dieu.

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