L’Algérie veut conditionner le développement de ses relations commerciales, notamment dans le domaine de l’énergie, avec les pays de son entourage à la position dans le conflit du Sahara. Cette stratégie est déjà appliquée dans le cas de l’Espagne.
Depuis la crise diplomatique avec le Maroc, il y a exactement un an, l’Algérie a accordé une plus grande importance à la question du Sahara dans ses relations diplomatiques, nommant même un envoyé spécial pour cette question, Ammar Blani. À son tour, l’armée algérienne, selon le dernier numéro de son magazine mensuel, a fait de la résolution du conflit du Sahara une condition à toute paix avec le Maroc.
L’Algérie avait annoncé une rupture diplomatique technique avec l’Espagne suite à l’annonce par le gouvernement de Madrid de son soutien à la proposition d’autonomie, solution proposée par le Maroc pour mettre fin au conflit. Elle a gelé l’accord d’amitié avec Madrid, rappelé l’ambassadeur et gelé le commerce. Les exportations de gaz ont été exclues de cette procédure afin de ne pas violer l’accord garanti par le droit international. En contrepartie, elle a annulé l’exportation de quantités supplémentaires de gaz et les a transférées à l’Italie.
L’Algérie a donné la préférence à l’Italie sur les questions de gaz et de commerce, tandis que l’Italie se rapproche d’Alger sur la politique régionale, notamment en soutenant les résolutions du Conseil de sécurité sur le conflit du Sahara et l’exclusion de l’autonomie. Les communiqués publiés après la visite du président algérien Abdelmadjid Tebboune à Rome en mai dernier, puis celle du Premier ministre démissionnaire Mario Draghi en Algérie en juillet dernier, reflètent cette tendance. L’Algérie avait officiellement annoncé la préférence de l’Italie sur l’Espagne dans le domaine du commerce et de l’énergie, en représailles à la position de soutien de Madrid au Maroc au Sahara.
Au Maghreb, suite à la crise entre le Maroc et l’Algérie, et à la stratégie d’Alger sur la question du Sahara, la Tunisie et la Mauritanie évitent désormais d’être compréhensives à l’égard des demandes marocaines d’autonomie, afin de maintenir un équilibre, surtout au vu de l’évolution des relations entre l’Algérie et la Tunisie, notamment dans le domaine économique.
Pour connaître l’étendue de la stratégie d’Alger, on attend avec attention la visite du président français Emmanuel Macron en Algérie, jeudi prochain. Les deux pays veulent surmonter l’épineuse crise bilatérale. Il s’agit de la première visite de M. Macron au Maghreb après avoir été élu président pour la deuxième fois en mai dernier. Macron, acceptera-t-il une référence aux résolutions de l’ONU et à l’autodétermination sans aucune référence à l’autonomie ?
À cet égard, l’Algérie reproche toujours à la France son soutien aux revendications du Maroc sur la question du Sahara, et elle a demandé à plusieurs reprises à Paris d’adopter une position équilibrée. Ces dernières années, la position française sur le conflit du Sahara a continué à être pro-marocaine, mais sans enthousiasme. Par exemple, Paris n’a pas bien accueilli la déclaration du président américain Donald Trump en décembre 2020 en faveur de la souveraineté du Maroc sur le Sahara. Rabat attendait que Paris pousse l’UE à adopter une position similaire pour être complémentaire à la position américaine, mais cela ne s’est pas produit.
Les relations entre Rabat et Paris sont en crise ouverte en raison de désaccords sur plusieurs sujets, comme l’espionnage présumé du téléphone de Macron par le Maroc via le programme israélien Pegasus. L’une des manifestations de cette crise est que les ministres français ne se sont pas rendus au Maroc depuis plus d’un an, pas plus que les ministres marocains ne se sont rendus en France. Notamment, il n’y a pas eu de rencontre entre Macron et le roi Mohammed VI, qui est à Paris depuis début juin.
La France veut récupérer sa position politique et économique en Algérie après avoir été dépassée par des pays comme la Chine et la Turquie. La France est consciente que pour atteindre cet objectif, elle doit faire des concessions sur la question de la mémoire coloniale, c’est-à-dire reconnaître les crimes de l’armée française en Algérie pendant l’occupation. Elle doit également réduire son soutien au Maroc sur la question du Sahara.
Sans aucun doute, une position française peu orthodoxe sur le conflit du Sahara lors de la visite de Macron en Algérie conduira inévitablement à de nouvelles tensions dans les relations maroco-françaises.
Tous ces événements politiques soulignent l’ampleur des complexités de la Méditerranée occidentale, notamment du Quartet composé du Maroc, de l’Algérie, de l’Espagne et de la France. Il s’agit d’une carte géopolitique des alliances qui se profilent dans la région.