Soudain, de nombreux analystes et commentateurs arabes même anternationaux, ont exprimé leur surprise devant le succès de la médiation de paix de la Chine entre l’Iran et l’Arabie saoudite, qui a eu droit à des gros titres dans les médias papier, numériques et audiovisuels, en tant que grande « surprise » puisque « La Chine remplace les États-Unis dans ls diplomatie mondiale ». En observant la réalité et l’accumulation des faits on constate que cette médiation n’est pas une surprise mais l’aboutissement d’un travail qui a des racines profondes dans les développements géopolitiques de la nouvelle dynamique de Pékin.
En apparence la Chine a créé la surprise lorsqu’elle a réussi à faire signer à l’Iran et à l’Arabie saoudite le 10 mars à Pékin un accord pour reprendre les relations bilatérales et œuvrer pour la stabilité de la région. Peut-être que l’importance de cet accord se reflète dans la qualité de ses signataires, dont Moussaid bin Mohammad Al-Aiban, ministre d’État, membre du cabinet et conseiller à la sécurité nationale de l’Arabie saoudite, et l’amiral Ali Shamkhani, secrétaire du Conseil suprême de sécurité nationale de l’Iran. Cela signifie que l’accord va au-delà des accords diplomatiques pour conclure des accords garantis par les parrains de la sécurité nationale des deux pays. L’événement est surprenant car un certain nombre d’analystes croient encore que l’Occident, en particulier les États-Unis, continue de dominer le monde, et donc aucun autre pays ne peut prendre l’initiative dans une région aussi vitale que le Moyen-Orient sans la participation ou au moins l’approbation de l’Oncle Sam.
L’événement est surprenant car un certain nombre d’analystes, y compris des Arabes et de nombreux médias tels qu’Al Jazeera, continuent de se caler sur l’agenda de quelques médias occidentaux en se concentrant uniquement sur ce qui est publié par le Washington Post, le New York Times et relativement Le Monde ou Le Figaro. Les chercheurs continuent d’être pris en otage par les think tanks occidentaux, sans regarder des instituts d’étude et de réflexion de la Chine, qui compte désormais le deuxième plus grand nombre de think tanks. Cela se produit dans de nombreux dossiers, y compris la guerre russe contre l’Ukraine. Nous rappelons les déclarations de l’ancien directeur du renseignement extérieur français, Alain Juillet, qui commentait cette guerre : « Peu de gens en Occident parlent des causes réelles de la guerre, et ce que rapportent les médias occidentaux ne reflète pas toujours la réalité. »
Le journaliste, chercheur ou analyste aura un bon aperçu de la situation internationale et de ses variations quand il aura regardé les médias de l’autre côté, la partie en forte ascension comme la Chine, l’Inde, la Russie et le Brésil, pour connaître les orientations d’un pays qui constitue près de la moitié de la population mondiale et plus d’un tiers de son économie. Se libérer de « la soumission médiatique » à l’AFP et au New York Times est un moyen de voir le monde à travers le prisme de la réalité. D’autre part, plusieurs facteurs se sont accumulés ces dernières années qui font du rôle chinois entre l’Iran et l’Arabie saoudite une réalisation positive. Les plus importants de ces facteurs sont les suivants :
Premièrement, il existe un consensus confirmé par la réalité économique, le poids politique et militaire et la recherche scientifique, selon lequel la Chine, désormais la deuxième puissance mondiale, deviendra le leader mondial à partir de la fin de la prochaine décennie. Par conséquent, sa médiation dans un dossier sensible comme celui de l’Arabie saoudite et de l’Iran ne peut être une surprise, et son rôle dans d’autres dossiers à l’avenir ne devrait pas l’être.
Deuxièmement, la Chine est devenue le principal client du pétrole iranien et saoudien et est devenue leur principal partenaire commercial, de sorte que les deux pays sont obligés d’écouter ce que la Chine exige. Si l’Iran est un allié de Pékin, Riyad ne peut ignorer la Chine, qui importe un million et 800 000 barils de pétrole par jour alors que les Américains n’ont plus besoin du pétrole saoudien.
Troisièmement, il y a trois ans, la Chine et l’Iran ont signé le plus grand accord stratégique du XXIe siècle, qui s’étend sur 25 ans. À cet égard, nous rappelons un article que nous avons publié dans le journal Al-Quds Al-Arabi (18 juillet 2020) intitulé « Pékin et Téhéran vers le plus grand accord géopolitique du 21ème siècle ouvre la voie à l’ère chinoise », où la Chine a commencé à investir 400 milliards de dollars dans ce pays. Pékin peut-il signer un accord de cette ampleur s’il ne s’assure pas que la région est stable et que les États-Unis n’attaquent pas l’Iran ? Bien sûr que non. Pékin peut-il laisser cette région en proie à l’instabilité alors qu’elle affecte l’avenir de la Route de la soie ? Non plus.
Quatrièmement, Pékin voulait présenter un modèle différent de résolution des conflits, si les États-Unis considéraient que la stabilité du Moyen-Orient passe par l’élimination du régime iranien, la Chine estime, selon un éditorial du journal semi-officiel « China Daily » du 12 mars, que « Pékin veut mettre l’avenir de la région entre les mains de ses peuples et de ses pays, en pariant sur le dialogue ». Le rapprochement émergent parrainé par la Chine entre l’Iran et l’Arabie saoudite montre qu’alors que les États-Unis fomentent et alimentent les conflits, mènent des guerres et incitent les nations les unes contre les autres au Moyen-Orient – et ailleurs – la Chine fait des efforts concrets pour promouvoir la sécurité, le développement, la paix et la prospérité.
Cinquièmement, du côté de l’Arabie saoudite, Riyad s’est rendu compte de l’impossibilité de continuer à parier sur Washington pour des questions majeures, y compris la guerre, à la lumière de l’incapacité des États-Unis à faire la guerre à l’Iran, et après avoir acquis la conviction de la fragilité de la puissance militaire israélienne qui ne permettra pas la destruction du réacteur nucléaire iranien, en plus de la prise de conscience de Riyad de l’hésitation qui caractérise l’assistance militaire américaine dans la guerre au Yémen, qui a rendu Riyad défensivement sans arguments devant les yeux de l’opinion publique mondiale, malgré le fait qu’elle dispose du troisième ou quatrième budget militaire mondial. En outre, les pays de la région, en particulier les régimes sunnites, sont conscients du déclin du Moyen-Orient dans l’agenda de l’establishment militaire américain, qui veut contenir la Chine dans la région indo-pacifique avant qu’il ne soit trop tard.
En attendant, l’accord signé entre l’Arabie saoudite et l’Iran n’est pas seulement un indicateur de la prochaine domination chinoise, mais signifie également de profondes transformations géopolitiques, dont les plus importantes sont: la paix et la stabilité des relations entre deux pôles au Moyen-Orient, représentant deux courants religieux antagonistes à travers l’histoire: les sunnites et les chiites, et par ricochet un peu de stabilité dans les autres espaces de confrontation au Moyen-Orient dont le Yémen puis le Liban et ensuite la Syrie.
D’autre part, cela peut signifier le retour du dossier d’Israël en face des pays de la région, car l’accord signifie un coup douloureux porté aux espoirs de normalisation des relations auxquels aspire Tel-Aviv.