Le ministre britannique à la Défense, Ben Wallace, a déclaré aux Ukrainiens lors d’un sommet de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord en Lituanie en début de la semaine que « l’OTAN n’est pas un magasin d’armes Amazon », faisant référence aux nombreuses demandes de Kiev sans tenir compte des vrais besoins de la guerre. Cette déclaration souligne le début du déclin des stocks militaires de l’Occident et des annonces successives par l’Occident de la fourniture de nouvelles armes comme s’il s’agissait de la fin décisive de la confrontation en faveur de l’Ukraine.
La majorité des chefs militaires occidentaux, en particulier ceux de États-Unis, sont réticents à s’engager dans des discussions militaires sur l’Ukraine, en particulier ceux qui sont à la retraite ou en réserve, sachant que les médias américains regorgent d’interventions de ces experts dans les guerres précédentes. Cela semble dû à leur désir de ne pas fournir de lectures qui contredisent la réalité sur le terrain de la guerre et à leur volonté de ne pas mettre l’OTAN dans une position inconfortable.
Malgré les multiples mentions à propos de l’aide militaire, l’Occident s’est concentré sur un facteur qu’il jugeait décisif pour l’épuisement de la Russie : les sanctions économiques plutôt que la confrontation militaire. À cet égard, parier sur des sanctions économiques et des blocus diplomatiques pour saper la stabilité de la Russie et provoquer le mécontentement du peuple russe à la suite des sanctions, ce qui conduira à arrêter la guerre et peut-être même à mettre fin à l’ère Vladimir Poutine, étant donné que l’Occident croit que le président a choisi la guerre sans que ce soit une question nationale liée à l’avenir de la Russie, qui refuse la présence des forces de l’OTAN à ses frontières, dans le cas où l’Ukraine rejoindrait ce bloc militaire.
En pratique, la guerre diplomatique occidentale contre la Russie a échoué et s’est même avérée contre-productive. À cet égard, la majorité des pays non occidentaux ont refusé de s’engager dans une guerre diplomatique occidentale contre la Russie, car de nombreux pays n’ont pas voté à l’ONU pour condamner Moscou suite à son invasion de l’Ukraine. Le commentaire le plus révélateur sur ce développement est peut-être celui de l’ancien Premier ministre français et ancien ministre des Affaires étrangères pendant la guerre en Irak, Dominique de Villepin, qui a déclaré que le reste du monde n’avait pas voté et ne s’était engagé dans des sanctions contre la Russie parce que l’Occident avait menti à l’occasion de la guerre en Irak. Dans le même temps, la guerre diplomatique s’est retournée contre l’Occident car elle a accéléré l’émergence de la Chine comme puissance de premier plan que le monde attend de prendre la place des États-Unis, elle a aussi renforcé les rangs du BRICS. Il suffit de considérer ce résultat : après la guerre russo-ukrainienne, des pays comme l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis, partenaires historiques de l’Occident, ont demandé à rejoindre le BRICS, sachant que le BRICS sont l’un des piliers sur lesquels Moscou s’appuie dans la guerre contre l’Occident.
Le pari principal était de déstabiliser l’économie russe beaucoup plus que de parier sur les armes, car l’Occident se rend compte de l’impossibilité de vaincre la Russie militairement dans cette guerre, que Moscou considère comme fatidique. Au cours des trois premiers mois, la plupart des responsables occidentaux et des principaux médias ont parlé de ce qu’ils ont décrit comme la « crise majeure » qui frapperait l’économie russe à la suite des sanctions. Depuis le début de la guerre, l’Occident a pris des sanctions économiques importantes et séquentielles, mais le résultat a été contre-productif : la Russie a bénéficié de la hausse des prix du gaz et du pétrole, a pris des mesures intelligentes pour protéger sa monnaie le rouble et a fait des pays comme la Chine, l’Inde et d’autres pays des marchés importants au lieu des marchés occidentaux.
En ce qui concerne la guerre militaire elle-même, l’Occident dispose de données précises sur l’équipement militaire russe. Ce que l’armée russe utilise en missiles en un jour et demi en Ukraine équivaut à ce que les usines de l’industrie militaire européenne produisent en un mois entier. Ces usines produisent 48 000 obus de différentes tailles et puissances de feu par mois, tandis que l’armée russe utilise 15 000 à 40 000 obus contre les forces ukrainiennes en une seule journée.
Cette guerre a révélé à quel point la Russie a multiplié la capacité de son industrie de l’armement par deux fois et demie par rapport à 2021, alors que l’Occident n’a pas doublé sa production. Ce fait, révélé par le président Vladimir Poutine ces derniers jours, met en évidence qui souffrira de l’usure, la Russie ou l’Occident. Avec ça, on comprend que le ministre britannique de la Défense déclare que la Grande-Bretagne n’est pas un magasin d’ Amazon.
Le plan de l’Occident dans la guerre contre la Russie à travers l’Ukraine était de ralentir le rythme du progrès militaire en pariant sur la destruction de la plus grande proportion de véhicules blindés, de chars et d’hélicoptères russes, et ce dans les trois premiers mois de la guerre. Lorsque l’Occident a constaté la stratégie de Moscou d’annexer le territoire du Donbass à la Russie sans invasion du territoire russe par les ukrainiens, le processus d’usure a commencé par des attaques contre la concentration des forces russes protégeant ces territoires. Par conséquent, les forces russes n’avancent plus profondément en Ukraine, mais se contentent de se défendre.
Il y a des paramètres pour savoir qui souffre d’usure et qui obtient certains résultats dans cette guerre qui dure depuis février 2022, en posant les questions suivantes: L’Ukraine a-t-elle récupéré le territoire qu’elle a perdu? L’Ukraine a-t-elle détruit des infrastructures militaires dans le Donbass et en Russie ? La réalité révèle comment la Russie a annexé plus de cent mille kilomètres carrés de territoire ukrainien, et ce sera peut-être pour toujours. Dans le même temps, l’Ukraine était l’un des 15 premiers pays en fabrication de matériel militaire dans le monde, et est maintenant sans infrastructure industrielle.
Ce qui est intéressant à observer c’est la désinformation médiatique pratiquée par l’Occident dans cette guerre, car les dirigeants occidentaux considèrent chaque nouvelle arme fournie à l’Ukraine comme l’arme qui sonnera la victoire dans cette guerre. Ainsi, les armes de type Hymars, puis le Patriot, et ensuite les chars Leopard allemands, les avions de combat américains F-16 qui devraient être livrés, certains autres types de missiles come les Scalp français, le Storm Shadow britannique, et enfin les bombes à fragmentation qui causent de lourdes pertes humaines.
C’est vrai qu’il y a des pertes importantes des deux cotés, en particulier dans les rangs de l’armée ukrainienne en raison de l’avancée militaire russe, mais le champ militaire n’a pas encore dit son dernier mot: il n’y a aucun progrès ukrainien pour reprendre le territoire du Donbass, et on ne parle plus de la contre-attaque ukrainienne dont on avait parlé au début en disant que ce serait le vrai tournant de cette guerre.
La question suivante demeure pertinente: combien de temps cette guerre continuera-t-elle alors que le stock militaire occidental n’est pas un magasin Amazon?