Le roi d’Espagne Juan Carlos a reçu ce mercredi les lettres de créance du nouvel ambassadeur marocain Fadel Beniaich, sur qui compte beaucoup Rabat pour le développement des relations bilatérales, qui resteront globalement bonnes tant que le Maroc n’évoque pas le dossier de Ceuta et Melilla, y compris dans les discours du roi.
Fadel Beniaich remplace l’ancien ambassadeur Ould Souilem, qui constitue un cas particulier car, immédiatement après son arrivée des camps de Tindouf, il a été nommé ambassadeur du Maroc à Madrid d’affronter le front Polisario dont il est un transfuge. Mais il n’a pas réussi, au point que Madrid s’est plaint de la détérioration des relations bilatérales, ce qui a amené le Maroc à le changer, après moins de quatre ans.
Le nouvel ambassadeur semble bénéficier d’un très bon accueil à Madrid, pour de nombreuses raisons, dont sa proximité avec le Roi Mohammed VI, ce qui est très utile en particulier dans les moments critiques, qualité qui manquait à ses prédécesseurs. La deuxième raison est reliée à ses origines espagnoles du côté de sa mère, qui est espagnole, ce qui lui a permis d’avoir la nationalité espagnole, à laquelle il a renoncé récemment pour pouvoir assumer sa charge. Enfin, l’homme est un connaisseur des relations bilatérales entre les deux pays.
Le Maroc mise beaucoup sur Fadel Beniaich pour développer des relations avec l’Espagne en particulier à un moment où elle vit une époque de sérénité, ce qui est plutôt rare au cours des dernières années. D’ailleurs, bien des analyses avaient prévu des crises lors de l’arrivée au pouvoir du parti populaire à Madrid et du parti de la justice et du développement à Rabat.
L’accalmie entre Madrid et Rabat s’explique par trois facteurs : le premier est l’augmentation des échanges commerciaux entre les deux parties, où l’Espagne a dépassé en 2012 la France en tant que premier partenaire du Maroc. Le deuxième est la compréhension de Madrid de la position du Maroc au Sahara, même si elle continue de soutenir le référendum d’autodétermination, elle refuse en même temps qu’il soit imposé au Maroc. Enfin, le silence adopté par le Maroc à propos de la revendication des villes de Ceuta et Melilla.
Ce troisième facteur est essentiel dans la mesure où le ministre espagnol des Affaires étrangères Manuel Garcia Margallo a déclaré publiquement dans une conférence avril 2012 et dans la présence de l´ex ministre délegué de l´extérieur Youssef Amrani á Madrid: «Si le Maroc aspire à d’excellentes relations avec nous, il doit cesser de parler de la revendication de Ceuta et Melilla ».
Depuis cette déclaration, le nom de ces deux villes a disparu des discours royaux. Le Chef du gouvernement, Abdelilah Benkirane, est tout aussi docile. La même consigne d’amnésie semble avoir été donnée à la fois à la diplomatie marocaine, qui évite de mentionner ce sujet dans les discours classiques à l’Organisation des Nations Unies, et aux partis politiques. Le mot d’ordre est le suivant : ce n’est pas le bon moment de parler de Ceuta et Melilla.