Après avoir perdu le statut de premier partenaire commercial, la France perd le statut de premier partenaire politique du Maghreb

Le président français Macron et les drapeaux du Maroc et de l'Algérie

En 2022, la France a perdu sa position de partenaire commercial majeur pour la région du Maghreb, en particulier le Maroc, l’Algérie et la Tunisie, et cette année, elle perd son statut de partenaire politique privilégié en raison des tensions diplomatiques entre Paris et les capitales de la région, qui atteignent presque une véritable rupture. La visite du président algérien Abdelmadjid Tebboune en Russie illustre ce virage important.

En pratique, l’Italie est devenue le premier partenaire commercial de la Tunisie en 2022 et a maintenu sa position avancée en Libye, et l’Espagne occupe cette position dans le cas du Maroc ainsi que dans le cas de la Mauritanie, et la France a perdu le statut de premier partenaire commercial avec l’Algérie il y a des années au profit de la Chine. Tout comme la France perd le leadership dans le secteur commercial avec les cinq pays, elle perd également le statut de partenaire politique, en particulier avec les deux plus grands pays de la région, le Maroc et l’Algérie.

Il a été question d’une prochaine visite du président algérien Abdelmadjid Tebboune en France au cours de ces semaines après son report en avril dernier en raison de la situation sociale en France marquée par les manifestations et les grèves. Les deux pays avaient  cru au développement et à l’amélioration des relations, en particulier après le retour de l’ambassadeur de l’Algérie à Paris. L’Algérie souhaitait rétablir le dialogue avec Paris pour apaiser l’atmosphère avec l’UE. De son côté, Paris a cherché à consolider sa position en Algérie après avoir ressenti la concurrence féroce de pays comme l’Allemagne, l’Italie et la Turquie ainsi que la Chine.

D’une part, l’Algérie a annulé la visite de son président et a même ajouté des termes  inamicaux  contre la France dans son hymne national, démontrant la classification de la France par l’Algérie comme un «ennemi». La décision de l’Algérie est un tournant épineux qui signale que les relations bilatérales entament un chemin diplomatique turbulent.

La tension algéro-française est due à deux facteurs : le premier est la volonté de l’Algérie de devenir l’interlocuteur privilégié de la France en Afrique du Nord et dans la région du Sahel, notamment sur des sujets sensibles comme la lutte contre le terrorisme et le conflit du Sahara occidental. Le second est la réparation  des crimes du passé colonial. Paris estime que l’Algérie ne peut pas attendre un traitement préférentiel au moment où elle travaille à consolider l’influence chinoise et russe au Sahel et en Méditerranée occidentale au détriment des intérêts français. La visite de Tebboune en Russie cette semaine est un tournant majeur qui illustre le déclin de l’influence française.

Les relations entre la Tunisie et la France sont également tendues, car la Tunisie a commencé à considérer que l’Italie est son choix stratégique, en particulier sous un gouvernement d’extrême droite à Rome dirigé par Giorgia Meloni qui ne s’intéresse ni à la démocratie ni aux droits de l’homme, mais qui traite plutôt la Tunisie en sa qualité de barrière contre l’immigration africaine.

La meilleure illustration de  la crise française dans la région du Maghreb arabo-amazigh demeure l’épineuse tension diplomatique entre Paris et Rabat, car elle se déroule entre deux pays qui ont longtemps enrichi leurs relations étroites. L’un des derniers épisodes de la crise a été l’annulation par le Maroc de la visite du chef du patronat français « Le Medef », Geoffroy Roux de Bézieux, qui devait participer à un sommet de coopération à Casablanca le 26 de ce mois.

La France accuse le Maroc de « trahison » en raison de l’espionnage  supposé du téléphone du président Manuel Macron par l’intermédiaire du logiciel Pegasus, selon le romancier franco-marocain Tahar Benjelloun dans des déclarations à la chaine d TV israélienne I24, qui a parlé d’une altercation entre le roi Mohammed VI et le président Macron au sujet de l’usage de Pegasus par les renseignements Marocains.  Tahar Benjelloun, qui est proche du palais royal, ne peut pas révéler cela sans un feu vert et sans fondement de ces faits.

La France accuse également le Maroc  de faire pression sur elle pour qu’elle adopte une position en faveur de sa souveraineté sur le Sahara. L’ancien ambassadeur de France aux Nations Unies, Gérard Araud, a accusé Rabat de faire chanter Paris pour qu’elle reconnaisse la marocanité du Sahara.

Le président Macron n’est pas le bienvenu en Tunisie, le président algérien a préféré Moscou à Paris, et le Maroc n’a pas répondu à la demande de visite de Macron à Rabat, ce sont tous des signes du déclin de l’influence politique française. La France n’a pas encore développé de stratégie alternative pour préserver  son influence, alors que des experts français parlent d’un déclin partiel de l’influence française qui pourrait être temporaire, mais la France, bien que n’étant plus le principal interlocuteur, restera parmi les principaux interlocuteurs de la région nord-africaine au moins pour les deux prochaines décennies.

 

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