Les services de renseignement militaire marocains, la DGED, ont subi ces dernières années des coups sévères, notamment en Europe. Le plus marquant de ces revers fut l’allusion, dans le journal Barlamane — largement financé par des fonds publics —, à un lien possible entre un haut responsable de ce service et le réseau de trafic de drogue Naciri–El Baoui.
Ainsi, il est particulièrement frappant, jusqu’à un degré surprenant sur le plan professionnel dans le domaine du renseignement, que la DGED ait été visée ces dernières années par des attaques douloureuses dans les pays européens, alors que cela n’a pas été le cas dans d’autres régions, comme les pays arabes ou africains.
Ces coups peuvent se résumer ainsi : le démantèlement du plus important réseau de lobbying non déclaré opérant pour le Maroc au sein du Parlement européen, réseau qui défendait des dossiers marocains comme la souveraineté du Maroc sur le Sahara, mais aussi des causes moins populaires, comme l’entrave aux demandes du Parlement européen visant à pousser Rabat à améliorer la situation des droits de l’homme. Dans le cadre de ce démantèlement, des députés européens ont été arrêtés, des mandats d’arrêt et des interrogatoires ont été émis à l’encontre de certains officiers de la DGED ; la justice belge s’est même déplacée à Rabat pour les entendre, afin d’éviter l’émission de mandats d’arrêt internationaux.
Parallèlement, plusieurs Marocains — qu’ils soient migrants ou naturalisés en Europe — ont été arrêtés dans différents pays européens pour collaboration présumée avec les services de renseignement marocains, la DGED. Ces arrestations ont eu lieu en Espagne, en France, en Belgique, aux Pays-Bas et en Allemagne. Parmi les coups les plus notables, figure celui visant la présence de la DGED aux Pays-Bas, notamment l’arrestation, il y a quelques mois, d’un Marocain collaborant depuis l’intérieur des services de renseignement néerlandais, soupçonné d’avoir transmis pendant de longues années des informations précieuses au Maroc. Selon des données judiciaires issues de réquisitions du ministère public néerlandais, les répercussions de ce dossier pourraient être extrêmement sévères pour la DGED et provoquer une crise entre Rabat et Amsterdam.
En juin dernier, le journal marocain Barlamane a publié une vidéo de Badriya Attallah parlant du réseau de trafic de drogue El-Baoui–En-Naciri, affirmant que El-Mokhtari était leur ami. Il s’agit de Mohamed El-Mokhtari, officier responsable au sein du renseignement militaire marocain, la DGED, où il occupe le poste sensible de chef du département des relations extérieures.
On estime que les coups portés récemment à la DGED ont été planifiés, car ils ont visé des réseaux d’une extrême discrétion, ainsi que des agents particulièrement habiles à rester dans l’ombre, comme le supposé agent aux Pays-Bas arrêté il y a quelques mois. Ces opérations pourraient être le fait d’une entité surveillant de près les activités de la DGED. Dans ce contexte, plusieurs questions se posent : qui est cette partie qui suivait les agents de la DGED ? Est-elle interne ou externe ? Comment un si grand nombre de collaborateurs a-t-il pu être exposé en un laps de temps aussi court ?
À la lumière de ces événements et de leurs suites, quel rôle joue le journal Barlamane dans l’affaiblissement du service de renseignement militaire, la DGED ? Sur la base des informations disponibles, on peut poser les questions suivantes pour comprendre la nature de ce rôle :
La demande d’enquête visant Mansouri
Pourquoi le journal Barlamane a-t-il suggéré d’ouvrir une enquête concernant les noms cités dans les fuites de « Jabarout », visant par là le directeur du renseignement militaire, Yassine Mansouri ? Par cette initiative, il a attiré l’attention de la presse internationale sur les luttes internes au sein du Maroc, en s’appuyant sur cet élément.
Jabarout licite, Jabaroot illicite
Pourquoi Barlamane, dans sa vidéo du 19 juin dernier, a-t-il estimé que ce qui figurait dans « Jabaroot » méritait d’être pris en considération, notamment lorsqu’il était question des biens présumés de Yassine Mansouri, directeur de la DGED ? Le média a jugé ces fuites crédibles, sans se soucier de leurs auteurs, avant de se retourner brusquement et de qualifier « Jabarout » de démon lorsque celui-ci a publié des informations sur des propriétés supposées appartenir à Mohamed Raji, chef du département d’écoute au sein du renseignement civil.
Associer la DGED au trafic de drogue
Pourquoi Barlamane a-t-il mentionné le nom d’El-Mokhtari comme s’il faisait, d’une certaine manière, partie d’un réseau de trafic de drogue ou y collaborait ? Cela sert les accusations algériennes selon lesquelles l’État marocain parrainerait le trafic de stupéfiants en Afrique de l’Ouest, en Afrique centrale et en Europe. Khabashi a-t-il agi ainsi à la demande d’acteurs hostiles internes et externes ?
Dévaloriser un service au profit d’un autre
Pourquoi Barlamane a-t-il affirmé, dans le même épisode, que certains travaillent jour et nuit tandis que d’autres amassent de l’argent, laissant entendre qu’il s’agirait d’une comparaison entre des responsables de deux services de renseignement : l’un qui s’investit réellement et l’autre qui se contente d’enrichir ses membres ?
Pousser l’ex-officier Al-Hijjaoui vers l’extrémisme contre l’État
Pourquoi Barlamane se focalise-t-il, plus que tout autre média, sur l’ex-officier des renseignements militaires, Mehdi Al-Hijjaoui, de façon aussi marquée, comme s’il cherchait à le pousser à réagir violemment contre les responsables marocains, en particulier ceux de la DGED ? Cela intervient alors que, selon certaines informations, des instances marocaines souhaitaient le convaincre de revenir afin qu’il réponde devant la justice aux accusations supposées portées contre lui, évitant ainsi sa radicalisation ou qu’il commette des erreurs, notamment la divulgation de secrets d’État auxquels il aurait eu accès lorsqu’il travaillait dans ce service. Cette approche est courante lorsqu’il s’agit de gérer des responsables du renseignement ayant fui leur pays. Le propriétaire de Barlamane sait parfaitement quel poste occupait Mehdi Al-Hijjaoui : celui de « contrôleur général » (selon Le360).
Disparité dans la couverture médiatique
Pourquoi constate-t-on, dans Barlamane, environ 200 références aux services de renseignement civil et à la police, contre une seule – pas nécessairement positive – à la DGED ? Et cela alors même que le fondateur de Barlamane avait, selon la presse, été chargé d’une mission au sein de la DGED, et non dans un autre service.
Dans ce contexte, il ne s’agit pas d’accuser Barlamane ou ses responsables de trahison, de collusion ou d’atteinte à une institution militaire. Néanmoins, personne ne trouve d’explication à leurs comportements inquiétants dans leur traitement médiatique inhabituel du dossier de la DGED, surtout dans ces circonstances que traverse le Maroc : la guerre du Sahara, les bouleversements géopolitiques majeurs en Afrique de l’Ouest, en Méditerranée occidentale, dans le monde arabe et à l’échelle internationale.
Remarque : Cet article ne constitue pas une défense de la DGED — elle dispose de ses propres soutiens, même si elle a perdu beaucoup de son poids en raison de la faiblesse de certains de ses responsables dans l’application de la rigueur —, mais bien une analyse de la réalité d’un service de renseignement ayant subi de nombreux revers, et sur le rôle de El-Khabbachi dans ce dossier.