Un manifeste critique la régression des droits de l’homme et de la liberté d’expression dans le royaume. Dans leur viseur : l’appareil policier de l’État et les médias proches du pouvoir.
Ils parlent pour ceux qui ne peuvent pas ou n’osent pas. 400 artistes et acteurs marocains se sont mobilisés pour rédiger un manifeste contre la répression policière et la diffamation ambiantes dans le pays maghrébin. Sous le titre Cette ombre est là, le texte pointe «plusieurs cas d’emprisonnement politique et de harcèlement, parmi lesquels l’arrestation des journalistes Omar Radi et Hajar Raissouni, ainsi que les répressions subies par des mouvements sociaux». «La situation a été exacerbée» par la pandémie et l’état d’urgence sanitaire, ajoute le manifeste signé entre autres par les écrivains Abdellatif Laâbi et Abdellah Taïa, le cinéaste Faouzi Bensaïdi ou la chanteuse Oum.
Dans ce contexte, «les médias de “diffamation”, proches de l’appareil policier de l’État, ont joué un rôle important dans des violations flagrantes» des droits humains, estiment les signataires.
Dernier exemple en date, «le harcèlement subi par Omar Radi», un journaliste et militant arrêté fin juillet pour une affaire de viol doublée d’accusations d’espionnage. L’homme a été la cible d’une intense campagne de diffamation dans des médias réputés proches des milieux sécuritaires.
La veille de la publication du manifeste des 400 artistes, deux ONG internationales (la Fédération internationale pour les droits de l’Homme et l’Organisation mondiale de lutte contre la torture) s’inquiétaient de cette arrestation, s’inscrivant dans un «contexte de harcèlement judiciaire continu et prolongé contre M. Radi de la part des autorités marocaines». Le procès du journaliste francophone de 34 ans, qui se déclare «victime d’un coup monté», débutera le 22 septembre.
Pour un droit à la critique
Le manifeste «Cette ombre est là» réclame la «libération de tous les prisonniers politiques et le droit de la population de chercher, discuter, analyser, critiquer (…) sans être diffamé, criminalisé» ou «harcelé».
Ils ne sont pas les seuls à se mobiliser pour le futur de leur pays. À la mi-juillet, un groupe de 110 journalistes avait appelé les autorités marocaines à prendre des mesures contre les «médias de diffamation» qui calomnient impunément des «voix critiques», tandis que plusieurs ONG s’inquiètent d’une «dégradation des droits humains» dans le royaume.
Face aux critiques, les autorités marocaines mettent en avant «plus de deux décennies d’acquis en matière de droits de l’Homme» et «l’indépendance de la justice», en rejetant l’existence de procès politiques.
Pour leur répondre, les artistes marocains n’ont d’autre choix que la plume, dans un pays qui connaît depuis quelques jours une forte recrudescence des cas de coronavirus. Le Maroc a prolongé son état d’urgence sanitaire jusqu’au 10 septembre.