Un article circule depuis peu dans les réseaux sociaux, vilipendant le crédo tant islamique que chrétien face à l’épidémie du Corona, et scandant à l’inverse la victoire totale de la démarche Scientifique et des Hommes de Sciences. On lit dans certains paragraphes de l’article :
“Les yeux du monde sont attirés par les descendants de Fleming, Pasteur et Lavoisier, dont l’Église a tranché la tête”.
“Personne ne regarde du côté du temple sacré (2) ou de l’Église de la Nativité”.
“Aucun patient ne recourt au Coran ni ou aux recommandations prophétiques en matière de soins médicaux. Les illusions de la graine noire (3) sont tombées”.
“Pas un seul patient ne demande de gorgée d’eau de Zamzam (4) puisse-t-elle le guérir.”
” Allah lui-même renie les édifices que les Humains ont construits pour lui comme temples. ”
” Les croyants se sauvent en vagues comme s’échappent les oiseaux des flammes… Du coup, le temple (2) n’a plus de Dieu pour le protéger. ”
Eu égard à la conjoncture actuelle, la collusion même idéologique doit faire place à davantage de compassion, d’entraide et de solidarité dans le monde. Cela n’empêche cependant pas un débat constructif et serein du sujet à partir du moment où il est soulevé. Et c’est d’un point de vue purement islamique que je l’appréhenderai, dans un style et un argumentaire appropriés qui s’imposent, souhaitant que d’autres puissent prendre le relais et l’appréhender à leur tour dans la tolérance, à partir des éléments de la doctrine chrétienne.
Notons d’abord que c’est par motif purement rationnel consacré par la préservation de soi, l’un des objectifs majeurs de la charia, puis civique en réponse à l’appel des autorités, que les croyants ont renoncé temporairement à la fréquentation des mosquées, les cœurs y attachés, pour y revenir dès que l’empêchement épidémique disparaitra par la grâce du Seigneur, protecteur éternel des temples.
Rappelons ensuite que le Coran vient en tête des cinq fondamentaux du fiqh, Science législative islamique, les quatre autres étant la Sunna (5), l’Unanimité, la Jurisprudence et la Diligence. Et c’est bien le Coran qui dispose : « Sont-ils égaux ceux qui ont reçu la Science et ceux qui ne l’ont pas reçue ? », de même que : « Des serviteurs d’Allah, ce sont les Savants qui le craignent véritablement», et aussi : « … Allah élèvera de plusieurs rangs ceux d’entre vous qui ont la foi et qui ont reçu la Science ». Ajouter à cela que la genèse de la révélation coranique a commencé par la recommandation de méditer d’abord l’acte purement Scientifique qu’est la création, avant toute obligation rituelle ou sunna : “Lis au nom de ton Seigneur qui a créé, il a créé l’Homme d’une adhérence“.
De ce fait, le savoir jouit en Islam d’une position toute particulière qui fait que des érudits célèbres tels qu’Al-Razi, al-Khawarizmi, Al-Fârâbî, Ibn Sina, Al-Kindi, Ibn al-Nafis, Ibn Rushd, Ibn Al Haitham, Ibn Hayyan et bien d’autres ont pu concevoir les bases théoriques en vigueur à nos jours encore dans différents domaines Scientifiques. La nation islamique était alors consciente de son rôle envers l’Humanité et déterminée à le remplir conformément à l’instruction d’Allah : «Ainsi avons nous fait de vous une nation médiane afin que vous soyez témoins des Humains et que le Prophète soit témoin de vous».
Toute surenchère alors sur l’Islam en tant que cadre de pensée et comme mode de vie est peine perdue quant au rang qu’il accorde à la Science et au statut des Hommes et des Femmes du savoir.
Et au fil conducteur propre au Coran d’expliciter la complémentarité entre les causes et leurs effets en disposant : « …Que cela vous invite à réfléchir à ce que vous labourez. Est-ce vous qui y faites germer les semences ou est-ce Nous qui les faisons lever ? » établissant ainsi combien le labour et la bénédiction divine sont communément nécessaires pour aboutir à la récolte. La procréation de même requiert une fécondation au résultat soutenu par Allah : « Avez-vous réfléchi à votre liqueur séminale, est-ce vous qui la créez ou en sommes Nous le créateur ? ». Et ainsi de suite, qu’il s’agisse d’avoir (6), de production, de travail, d’enseignement, de médicalisation, ou de tout acte dans la vie, la réunion de la cause, Fait de l’Homme, et de la bénédiction divine, est nécessaire pour atteindre le résultat escompté. Aucun processus de quelque nature que ce soit n’échouerait sinon comme il arrive fréquemment alors que la règle générale tel qu’Allah l’a voulu est que les actes interagissent avec les causes et leurs auteurs. L’aya (7) : « C’est Toi que nous adorons, et c’est Toi dont nous implorons l’assistance » le résume parfaitement d’ailleurs, dans la mesure où tout acte satisfaisant à Allah est en soi une adoration, l’assistance d’Allah en est la condition d’aboutissement. La séquence dans laquelle ils se succèdent indique clairement la nécessité de les combiner.
Le recours ainsi à la Science et aux Hommes et Femmes de Sciences, en même temps que l’imploration d’Allah ne se contredisent point dans le crédo islamique. Au contraire, le recours seul aux causes réduit l’être Humain au matérialisme du corps et de l’Esprit (8), au moment où il se compose en outre d’Âme et d’instinct. C’est pourquoi la culture islamique soutient qu’il n’y a point de religiosité sans Science ni de Science sans révélation divine qui l’encadre et guide la pensée. Dès lors la différence naturelle entre les gens n’est que par l’attractivité de l’Âme par rapport à celle de l’instinct (9). L’Esprit, lui, cette superpuissance dont Allah a gratifié les Humains, subit l’influence et répond à l’attraction la plus forte entre l’Âme et l’instinct. Les gens seraient les mêmes sinon sans la sagesse d’Allah Tout-Puissant, qui dit : « Si ton Seigneur l’avait voulu, il n’aurait fait des Humains qu’une seule communauté. Or, ils ne cessent de se dresser les uns contre les autres, à l’exception de ceux concernés par la volonté de ton Seigneur, et c’est bien pour être si différents qu’i les a créés».
Enfin, au nom de l’interaction naturelle entre Science et Religion, nous remercions Allah Tout-Puissant pour la grâce de l’Esprit, de la Science, et des Scientifiques. Nous l’implorons pour l’Humanité entière d’éradiquer la maladie, l’épreuve et l’épidémie. En témoignage de remerciements, de considération et de respect, nous saluons ceux et celles dans le monde et leurs auxiliaires qui œuvrent contre le corona virus Covid 19. Nous exhortons nos frères et sœurs les Humains là où ils se trouvent à faire preuve davantage de patience, d’entraide, de solidarité et de respect des mesures préventives, confinement à domicile en tête, conformément aux instructions des autorités compétentes.
Pour conclure, j’ose me demander s’il n’est pas grand temps pour couper avec l’ère d’unilatéralisme intellectuel et d’exclusion, et que les Humains se convainquent que c’est par une universalité de coexistence, de coopération, de rationalisation, de complémentarité, d’Âme et d’Esprit, que l’Homme vit et accomplit son destin.