La Mauritanie vient de rapatrier son chargé d’affaires de son ambassade à Rabat. Ainsi, ce voisin de sud réduit le niveau de sa représentation diplomatique au Maroc à son plus bas niveau. Cette décision illustre la crise silencieuse entre le Maroc et la Mauritanie, et qui ne date pas d’aujourd’hui.
Le président mauritanien Mohamed Ould Abdelaziz a procédé dimanche à de nouvelles nominations diplomatiques qui ont concerné les nouveaux ambassadeurs en Arabie Saoudite, au Brésil et au Mali. La surprise c’est qu’il n’a pas nommé un ambassadeur à Rabat, alors que ce poste est vacant depuis septembre 2012, date du retrait de l’ambassadeur Mohamed Ould Muawiya. Le chargé d’affaires qui dirigeait l’ambassade mauritanienne au Maroc depuis cette époque, Mohamed Ould Khila, a été nommé, quant à lui, ambassadeur au Mali.
Ainsi, c’est le premier conseiller qui va gérer l’ambassade à sa place, ce qui fait réduire la représentation diplomatique à un niveau jamais atteint dans l’histoire des relations entre les deux pays.
Les médias mauritaniens expliquent ce coup de froid par la colère de Nouakchott suite aux déclarations attribuées au Roi Mohammed VI lors de sa visite au Gabon, et qui réduisent l’importance de l’Union Africaine. La Mauritanie, qui préside cette Union en ce moment, aurait été vexé par ces déclarations « humiliantes ».
Cette nouvelle tension n’est qu’un nouvel épisode d’une série de malentendus entre les deux pays, dont notamment :
– La protestation de Nouakchott contre une décision antérieure du Maroc de limiter l’inscription des étudiants mauritaniens dans les universités marocaines.
– La protestation de la Mauritanie contre ce qu’elle considérait comme une présence indélicate sur son sol des renseignements marocains, sans respect envers les particularités du pays. Certains diplomates marocains avaient été rapatriés discrètement, d’autres ont été refusés, et un correspondant de l’agence de presse MAP a été expulsé après avoir été accusé d’espionnage.
– La colère de la Mauritanie suite à des remarques marocaines concernant les relations entre elle et l’Iran, ce que la Mauritanie a interprété comme une ingérence dans ses propres affaires.
– La persistance de l’inquiétude de la Mauritanie qui considère que dans le dossier des divergences entre elle et le Sénégal, le Maroc penche vers Dakar au lieu d’observer la neutralité.
– L’opposition du Maroc à la présence de la Mauritanie au Conseil de sécurité des Nations Unies parce qu’elle reconnaît la soi-disant « République Arabe Sahraouie Démocratique » déclarée unilatéralement par le Polisario.
En revanche, le Maroc reproche à la Mauritanie ses positions ambiguës dans le dossier du Sahara, et sa propension à pencher plus vers l’Algérie et le Front Polisario à chaque fois qu’une opportunité diplomatique se présente, aussi mineure soit-elle.
Dans le même temps, la Mauritanie a adopté sa propre politique dans la lutte contre le terrorisme, sans trop de coordination avec Rabat, bien que le Maroc tente toujours de convaincre les autorités mauritaniennes que la menace du terrorisme affecte les deux pays, qui doivent pour l’affronter, transcender leurs différences politiques.
En vérité, de multiples facteurs ont contribué à alimenter cette tension, qui s’est exacerbé depuis que la Mauritanie a accédé à la présidence de l’Union africaine en janvier dernier, soutenue par l’Algérie, en contrepartie du développement des relations de Nouakchott avec le Front Polisario, ce qui n’est pas du goût de Rabat.