La diplomatie de Madrid est satisfaite. Elle a réussi, pour la première fois, à trouver une position d’équilibre entre le Maroc et l’Algérie dans un contexte dominé par le conflit du Sahara. Elle n’est plus obligée, comme par le passé, à pencher pour l’un des deux pays au détriment de l’autre, ce qui avait des impacts négatifs sur ses intérêts politiques et économiques. La nouvelle donne diplomatique est le résultat des crises internes à chaque pays.
Deux ans après l’arrivée au pouvoir du conservateur de droite Mariano Rajoy, son gouvernement est le premier qui a réussi à réaliser l’équilibre diplomatique entre Rabat et Alger, après le gouvernement de la transition démocratique de 1975, suite au décès du général Francisco Franco.
Au cours des trente dernières années, le Maghreb un constitué un véritable défi diplomatique pour Madrid qui n’arrivait pas à trouver un équilibre entre ses voisins du sud, le Maroc et l’Algérie dans le contexte du conflit du Sahara. L’examen des relations triangulaires montre que la droite espagnole, une fois au pouvoir, penche en général vers l’Algérie et affronte des crises aigues avec le Maroc, et l’inverse se produit dans le cas des gouvernements de gauche.
Sous le premier gouvernement démocratique en Espagne, dirigé par le conservateur Adolfo Suarez, des problèmes sérieux se sont posés avec le Maroc, à cause du Sahara et des deux villes occupées Ceuta et Melilla. Madrid s’est alors rapproché de l’Algérie, qui était sous la domination du Front de Libération Nationale, réputé politiquement progressiste.
Le même phénomène s’est répété avec le Chef de gouvernement José Maria Aznar. Durant son mandat, des problèmes graves ont surgir avec le Maroc, au point d’arriver pendant l’été 2002 à la menace de la guerre à cause du problème de l’île Toura. A l’époque, l’Algérie était le seul pays du monde arabe et musulman qui avait soutenu l’Espagne. L’axe Madrid – Alger s’était alors renforcé.
L’inverse se produit avec la gauche. Sous le mandat du socialiste Felipe Gonzalez dans les années quatre-vingt, les relations se sont améliorées avec le Maroc et se sont détériorées avec l’Algérie, à tel point que cette dernière n’a pas hésité à accueillir quelques leaders du mouvement armé ETA.
Avec l’arrivée au pouvoir du deuxième gouvernement socialiste de José Luis Rodriguez Zapatero, les relations se sont encore tendues en 2007 au point où le président algérien Abdelaziz Bouteflika et Zapatero se sont échangés des accusations réciproques au sujet du Sahara.
Mais la politique des axes a disparu sous le gouvernement de Mariano Rajoy. Une source diplomatique espagnole confirme que l’Espagne a fait le pari de l’équilibre, et qu’au sujet du conflit du Sahara, elle soutient les résolutions des Nations Unies.
Dans la pratique, en deux ans du gouvernement de Mariano Rajoy, l’Espagne n’a pas été accusée ni par l’Algérie ni par le Maroc de favoriser un pays au détriment de l’autre, que ce soit dans la question du Sahara ou dans les relations bilatérales.
Le spécialiste des relations Euromaghrébines Pedro Canales pense que les crises internes vécues par les trois pays ont poussé chacun d’entre eux à se focaliser d’abord sur son agenda interne, au détriment des affaires étrangères.
L’Algérie est occupée par le flou qui entoure la candidature du président Abdelaziz Bouteflika à sa propre succession, et le Maroc est plutôt pris par la mise en œuvre de sa nouvelle constitution. Dans le même temps, Madrid affronte une grave crise économique et le défi de la sécession de la Catalogne. Les relations de l’Espagne avec les deux pays sont assez calmes et la politiques des axes bilatéraux n’est plus d’actualité. Par contre, les relations entre le Maroc et l’Algérie sont plus que tendues.