Maître Jamai: l’indépendance de la justice nécessite le démantèlement d’un dangereux gang tripartite

Solidarité avec Ali Anouzla

Dans le cadre de ses activités de sensibilisation, le Comité national pour la libération d’Anouzla a organisé ce vendredi 17 janvier 2014, une conférence-débat au siège central de l’Association marocaine des droits humains (AMDH) sous le thème « médias et droits de l’Homme ».
La séance a été inaugurée par l’intervention de Maître Abderrahime Jamai sur le rôle de la justice dans la protection de la liberté d’expression. L’avocat a expliqué que les divergences sur la relation entre Justice et médias est chose normale dans une société démocratique mais que cette relation au Maroc est caractérisée par des tensions permanentes depuis l’existence de procès politiques. Pour lui, il est de l’intérêt de la justice que cette dernière soit sous contrôle de l’opinion publique et de la presse notamment car la Constitution et le principe de séparation des pouvoirs ne suffisent pas à eux seuls. Quant aux pratiques actuelles dans les affaires liées à la presse, la bâtonnier a signalé l’existence d’un « gang tripartite » composé de la Brigade nationale de la police judiciaire (BNPJ), du juge d’instruction et du parquet pratiquant la tricherie et la fraude procédurale, et a considéré que l’indépendance de la justice nécessite le démantèlement de ce gang.
Par la suite, c’était au tour du journaliste Abderrahime Tafnout d’aborder le sujet des obstacles à la démocratisation du pôle publique audiovisuel. En tant que militant au sein du syndicat des journalistes de la chaîne de télévision 2M, Tafnout a dressé un sombre tableau de ce média autoritariste contrôlé directement par le Palais, à travers Fayçal Laraichi, Président directeur général de la Société nationale de la radiotélévision (SNRT). Selon Tafnout, le responsable se considère comme le représentant permanent du Roi au moment où les gouvernements sont éphémères, comme celui actuel qui fuient ses responsabilités. Le journaliste ne manquera pas de signaler la faiblesse du corps journalistique et de son aile syndicale, la pratique de la cooptation, l’absence de reddition des comptes, la soif d’enrichissement, la logique de rente et l’absence d’une puissance partisane capable d’aborder sérieusement le sujet, comme autant d’obstacles à la démocratisation du pôle public audiovisuel. Pour conclure, Tafnout a lancé un appel pour la formation d’un front efficace chargé d’extirper les médias publiques des mains du pouvoir car, selon le journaliste, ces médias sont financés par les citoyens mais offrent des produits de très mauvaises qualités.en monopolisant le discours en faveur des options royales sans respecter la pluralité.
De son côté, l’écrivain et journaliste Driss Ksikes a consacré son intervention au sujet du terrorisme du point de vues des journalistes et de l’État. Il scinda le phénomène en deux catégories : un terrorisme d’en haut, celui de l’Etat plaçant l’intérêt au dessus du droit et légitimant le meurtre au nom de la sécurité. Et un terrorisme d’en bas, de ceux qui pratiquent l’opposition par la force et la violence. Le journaliste a signalé que dans le cas du Maroc, le discours officiel reconnaît le terrorisme d’en haut, pratiqué dans le passé mais fait un black out sur celui d’aujourd’hui. Par ailleurs, Ksikes a cité les trois attitudes des médias face du terrorisme. Le premier consiste en une fascination accompagnée de rejet, le second consiste à prendre de la distance dictée par un souci d’indépendance, comme dans le cas Anouzla et enfin une troisième attitude consistant en une solidarité démocratique avec les adversaires du terrorisme et imposant un mur du silence. Mais cette dernière tendance tend à se contracter avec l’évolution du rôle du journaliste citoyen. Ksikes a conclu son propos en affirmmant, qu’en général, les partis politiques sont les plus hostiles à la liberté de la presse car il ne font pas confiance aux médias et leurs rapports avec eux sont avant tout des rapports d’intérêts. C’est pourquoi, selon le journaliste, les forces démocratiques doivent investir ces instances et soutenir les membres favorables à la liberté de la presse.
Ensuite, c’est le journaliste tunisien et ancien Président de l’Instance pour la réforme des médias en Tunisie, Kamal Laabidi qui a pris la parole pour discuter des mécanismes de protection des journalistes et de la liberté d’expression. Laabidi a salué le rôle joué par les élites médiatiques, culturelles et de défense des droits de l’Homme qui ont suivi l’affaire Anouzla en contribuant, à l’aide de la pression internationale d’obtenir sa libération. Laabidi considère que cette expérience doit être capitalisée en renforçant les contacts internationaux. Le journaliste n’a pas manqué de rappeler que 75 journalistes ont été tués durant l’année 2013, dont 45 dans les pays arabes.
Avant de clore la conférence, la parole a été donnée à Khadija Riyadi, coordinatrice du Comité pour la libération d’Anouzla pour expliquer les perspectives de l’Instance et sa possible transformation dans un avenir proche, et au delà de son caractère factuel vers une organisation de défense des libertés d’expression et de la presse au Maroc. Elle a également insisté sur la nécessité de poursuivre la mobilisation et la pression pour obtenir l’abandon des poursuites contre Ali Anouzla et la levée de la censure sur les deux versions du site d’information Lakome.

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