La zone du Rif Marocain a vécu au cours des cent dernières années trois vagues de migration forcée pour des raisons coloniales et politiques, la dernière vague étant une vague de déplacement après le mouvement de protestation populaire dans le Rif, et qui prend une proportion inquiétante et risque de vider cette région de sa jeunesse et compromettre entièrement son avenir.
À cet égard, le territoire de la province d’Al hoceima n’a pas une grande densité de population, et ce pour des raisons géographiques comme la nature géographique difficile du territoire et d’autres de nature historique et politique et militaire, En passant en revue les données et les événements du XXe siècle, on s’aperçoit que la province de Hoceima a perdu une bonne partie de sa jeunesse au cours des vagues de migrations forcées durant les événements suivants :
-Primo, les guerres qui ont été livrées par les populations de la région pour lutter contre le colonialisme depuis le début du siècle jusqu’à la fin des guerres du Rif en 1927, surtout après l’usage par la France et l’Espagne des gaz toxiques contre les populations rurales afin de venir à bout de la résistance de Mohamed Ben Abdelkrim Khattabi.
-En second lieu,il y a la migration de la population de ce territoire vers d’autres villes surtout Tétouan et Tanger ainsi que vers l’Europe et l’Algérie pendant le soulèvement du Rif en 1958 et 1959, mais le régime marocain avait à l’époque encouragé l’immigration intensive temps vers l’Europe pour vider la région et le Rif en général de sa population en vue d’éviter des soulèvements ultérieurs.
-En troisième lieu, il y a le mouvement d’émigration qui a suivi le soulèvement du pain en 1984,en direction de l’Europe et les villes du nord du Maroc et aussi vers celles de l’Est surtout Oujda. Si la région du Rif est l’une des grandes régions pourvoyeuses d’émigration des jeunes vers l’Europe en raison du manque d’opportunités d’emploi et d’universités pour étudier, ce mouvement a connu ces deux dernières années un tournant majeur dans la mesure où sa jeunesse n’a plus le choix qu’entre l’émigration et la perspective des poursuites pénales qui peuvent conduire à la prison.
Selon les estimations obtenues par le journal numérique ALifpost, la ville d’AL Hoceima a connu une vague d’émigration collective qu’aucune autre ville marocaine n’a vécu par le passé et qui ressemble aux vagues provoquées dans le monde dans de zones de conflits armés et de guerres civiles.
À cet égard, la justice de l’Etat Marocain a procédé à l’arrestation de plus de 800 jeunes de la ville de Hoceima et des villes voisines (essentiellement Imzouren, Beni Bouayach, Boukidaren et Tamassint ) . Plus de 6000 autres jeunes ont été forcés de quitter le territoire pour éviter des arrestations ou fuir les conditions difficiles de la vie sur place, la majorité se sont dirigés vers l’Espagne, notamment vers les villes occupées de Ceuta et Melilla et d’autres ont regagné d’autres pays européens sachant que les marocaines sont les premiers en Europe en matière de volume des demandes d’asile politique.
Selon les informations et les statistiques officielles européennes obtenues par Alifpost et les estimations des acteurs de la société civile marocaine installés en Europe et celles de certaines associations européennes, six mille jeunes marocains seraient arrivés en Europe à bord des canots pneumatiques au cours des deux dernières années dont la moitié proviennent de la province d’Al Hoceima , sans compter les dizaines d’autres qui ont perdu la vie par noyade durant cette aventure.
Si la population d’Al Hoceima et des petites villes voisines qui ont vécu le soulèvement populaire ( le Hirak) ne dépasse pas le chiffre de cent mille habitants, sans compter les autres villes de la région qui n’ont pas participé massivement au Hirak, une opération de calcul simple nous indique que la région aurait perdu environ 7 % de sa population , en particulier ses jeunes.
Mathématiquement et en attendant des études scientifiques et des enquêtes sur le terrain pour valider ces chiffres, l’émigration qui a suivi les arrestations et les procès des militants du Hirak, et compte tenu de la durée relativement courte du phénomène migratoire considéré, cette migration est la deuxième en volume après celle que la région avait connue après la guerre des gaz toxiques. Le Maroc n’a jamais connu un mouvement pareil dans son histoire sauf lors des périodes des famines ou des grandes épidémies.