Le Maroc reste silencieux face aux décisions inquiétantes de Washington, de Rome et du Caire concernant le Sahara

Le Secrétaire d'État américain Anthony Blinken et son homologue marocain Nasser Bourita

Depuis le début du mois, le conflit du Sahara a connu des évènements qui semblent relativement inquiétants pour la diplomatie marocaine, notamment la position ambiguë des États-Unis, ainsi que la décision de l’Italie d’ouvrir un centre de services consulaires dans la ville de Tindouf pour fournir des services aux Algériens et aux “réfugiés sahraouis”, selon le communiqué diplomatique de Rome.

 Le début de ce revers pour la diplomatie marocaine a commencé avec la participation du ministre égyptien de la Défense à une réunion du quartet comprenant des responsables de la défense de l’Algérie, de la Libye et de l’Égypte, ainsi que du mouvement du Front Polisario, dans la capitale Alger, du 2 au 6 mai. La présence de l’Égypte et de la Libye à cette réunion est une source d’inquiétude pour Rabat, car ces deux pays ne reconnaissent pas l’État déclaré par le Front Polisario. La Tunisie et la Mauritanie ont choisi de ne pas participer au sommet.

 Le 14 mai, le secrétaire d’État américain Anthony Blinken a abordé par téléphone avec son homologue marocain Nasser Bourita le développement des relations bilatérales, puis a échangé des points de vue sur des questions internationales telles que le retour de la Syrie au sein de la Ligue arabe et la guerre de la Russie contre l’Ukraine, ainsi que sur le dossier israélo-palestinien.

La déclaration officielle de la diplomatie américaine sur le conflit du Sahara contient un nouveau langage, voire déconcertant, comme suit : « Le secrétaire d’État Blinken a affirmé le soutien total des États-Unis à l’envoyé personnel du secrétaire général des Nations unies, Staffan de Mistura, alors qu’il intensifie le processus des Nations unies sur le Sahara occidental en vue d’une solution politique durable et digne pour le peuple du Sahara occidental et la région ».

 La déclaration crée un précédent, car elle reflète une perception imprécise et encore plus ambiguë par rapport aux déclarations précédentes. Dans ce sens, la déclaration a évité de faire référence à la souveraineté marocaine sur le Sahara, et c’est une minimisation délibérée de la décision de l’ancien président américain Donald Trump qui a reconnu cette souveraineté en décembre 2020 dans le sillage des Accords d’Abraham. En même temps, il souligne la gestion de l’envoyé spécial du secrétaire général de l’ONU, sans faire référence à l’autonomie. Enfin, elle met en avant les Sahraouis en tant que peuple. Une source au fait des relations bilatérales a déclaré à Alif Post : “Washington est conscient de la sensibilité du Maroc à l’égard de la question du Sahara, et nous nous demandons : pourquoi a-t-il délibérément évité de faire référence à l’autonomie, que le Maroc considère comme la meilleure solution au conflit ?

Le 16 mai, l’ambassadeur d’Italie en Algérie a inauguré un centre de services consulaires à Tindouf, dans le sud de l’Algérie, et à proximité des camps de Tindouf, siège du Front Polisario. À cette occasion, il a déclaré que “le centre s’adresse non seulement aux citoyens algériens et la région et à la communauté d’affaires mauritanienne présente, mais aussi aux réfugiés sahraouis”.

La décision de l’Italie d’établir un centre de services consulaires pour les Sahraouis dans la région de Tindouf, d’une part, peut provoquer une tension dans les relations entre Rome et Rabat et, d’autre part, illustre le grand rapprochement entre l’Algérie et l’Italie au cours des deux dernières années, depuis que Rome a montré, au début du mois de janvier dernier, son soutien absolu à l’autodétermination en tant que solution au conflit du Sahara. L’Algérie a choisi l’Italie comme alternative à la France et à l’Espagne en tant que partenaire commercial, notamment dans le domaine de l’énergie. La position de l’Italie s’étendra aux institutions européennes en s’opposant à toute initiative espagnole visant à soutenir l’autonomie comme solution au conflit du Sahara.

Malgré la dimension inquiétante de ces évènements, qui sont perçus comme un revers pour les intérêts du Maroc dans le dossier du Sahara, la diplomatie de Rabat ne les a pas commentés, préférant pour l’instant garder le silence.

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