La Cour des Comptes a examiné la situation financière de quelques   institutions publiques ainsi que celles de certains conseils municipaux. Malgré son approche relativement timide face à l’ampleur des dégâts, le rapport donne une image sombre sur la persistance de la corruption dans les rouages de l’Etat.

Le rapport demeure très discret quant à son évaluation de l’impact de la corruption sur la croissance économique annuelle et sa capacité à entraver le développement du Maroc sur le court, moyen et long terme. La Cour des Comptes n’a pas le courage d’avouer que ce mal a pris une dimension structurelle, puisqu’il est presque devenu l’un des fondements de l’Etat marocain.

Si les conclusions de ce rapport ne sont pas surprenantes, l’opinion publique est globalement au courant de ces pratiques et en est devenue blasée, ce qui se traduit dans la pratique par le dégoût et le désintérêt à l’égard de la politique, des politiciens et des hauts responsables publiques.  En même temps, les rapports nationaux et les rapports des institutions internationales se succèdent pour dénoncer le niveau de corruption et placer le Maroc à des rangs peu honorables parmi les pays du monde. Ce triste constat est corroboré par les témoignages des diplomates, comme ce fut le cas avec les révélations de Wikileaks qui a évoqué la corruption au sommet de l’Etat, dans l’entourage de ce sommet et dans diverses institutions.

La surprise, par contre, c’est la quasi-absence de réaction des autorités judiciaires et sécuritaires Marocaines vis-à-vis de la corruption liée à l’exercice de la politique. Ces mêmes autorités, en plus des organes de renseignements, ne ménagent pourtant aucun effort pour affronter un autre fléau, celui du terrorisme. Elles n’hésitent pas pour cela à utiliser les moyens légaux et illégaux, à s’engager avec zèle dans des campagnes internationales, et à ouvrir des locaux pour y enfermer des individus suspects, y compris des non marocains, et à user lors des interrogatoires des méthodes les plus musclées.  Dans le même temps, elles demeurent impuissantes face à la corruption dans le pays.

Le constat est flagrant : les organes sécuritaires et de renseignement ne se sont jamais distingués dans la lutte contre la corruption. Cette attitude est plus qu’inquiétante, pourquoi autant de diligence dans la lutte contre le terrorisme et autant de mollesse dans la lutte contre la corruption, en dépit de l’arsenal juridique qui permet aux autorités judiciaires et de sécurité d’affronter ce fléau qui n’est pas moins dangereux que le terrorisme, et qui le dépasse en gravité dans certains cas, puisque des études de nature politique et académique ont prouvé que la corruption figure parmi les raisons qui encouragent aux actions terroristes.

Pourquoi l’État rechigne-t-il donc à ouvrir les dossiers de la grande corruption, même si des noms de personnages célèbres sont cités dans les rapports et même si certains d’entre eux n’hésitent pas à montrer des signes de grande richesse. Pourquoi, à l’inverse, le même État procède à l’arrestation et l’interrogatoire d’autres individus pour la simple raison qu’ils portent une barbe ou ont des sympathies pour tel ou tel courant de pensée, et ferme en même temps les yeux sur des propriétaires de biens immobiliers et de comptes bancaires disproportionnés par rapport à leurs revenus officiels.

Cette attitude trop conciliante des autorités sécuritaires et judiciaires vis de la corruption ne fait que renforcer l’hypothèse que la corruption est devenue un des fondamentaux de l’Etat marocain.

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